PROJET DE CODE CIVIL.
LIVRE DEUXIÈME. DES BIENS.
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES. DE LA DIVISION DES BIENS ET DES CHOSES.
Art. 1er Les Biens ou droits composant le patrimoine, soit des particuliers ou des corporations, soit de l'Etat, des départements, des communes, ou des établissements publics sont de deux sortes: les droits réels et les droits personnels:
2. Les droits réels s'exerçant directement sur les choses et opposables à tous, sont principaux ou accessoires.
Les droits réels principaux sont:
1° La propriété, pleine ou démembrée;
2° L'usufruit, l'usage et l'habitation;
3° Les droits de bail, d'emphytéose et de superficie;
4° Les servitudes foncières;
5° Le droit de possession.
Ces droits sont l'objet de la 1re partie du présent Livre.
Les droits réels accessoires, ou garanties des créances sont:
1° Le gage;
2° L'antichrèse;
3° Le droit de rétention;
4° Le privilége;
5° L'hypothèque.
Ces droits sont l'objet du Livre IVe.
3. Les droits personnels, ou droits de créance, s'exercent contre une personne déterminée, pour obtenir d'elle des prestations ou des abstentions auxquelles elle est obligée par les causes que la loi autorise.
Ces droits sont l'objet de la IIe partie du présent Livre.
4. Les droits des écrivains, des artistes, et des inventeurs, sur la publication de leurs ouvrages, sur la reproduction de leurs œuvres ou l'application de leurs découvertes sont réglés par des lois spéciales.
5. Les droits, tant réels que personnels, sont modifiés d'après les diverses distinctions des choses qui en sont l'objet, telles qu'elles résultent, soit de leur nature, soit de la volonté de l'homme, soit des dispositions de la loi, ainsi que ces distinctions sont énoncées ci-après.
6. Les choses sont corporelles ou incorporelles.
Les choses corporelles sont celles qui tombent sous les sens physiques de l'homme; comme les fonds de terre, les bâtiments, les animaux, les ustensiles.
Les choses incorporelles sont celles que l'intelligence seule perçoit; tels sont:
1° Les droits réels ou personnels eux-mêmes;
2° Les droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle, énoncés à l'article 4;
3° Les successions ouvertes, considérées comme ensemble des biens et des dettes d'un défunt;
4° Les sociétés dissoutes et les communautés de biens en liquidation.
7. Les choses sont mobilières ou immobilières, suivant qu'elles sont, ou non, susceptibles de déplacement, soit d'après leur nature, soit par la destination que leur donne le propriétaire, soit par la détermination de la loi.
8. Sont immeubles par nature:
1° Les fonds de terre, les chaussées, terrasses et autres parties du sol;
2° Les murs de clôture, les haies et palissades;
3° Les lacs, étangs, canaux et cours d'eau quelconques;
4° Les digues, jetées, pieux et autres ouvrages destinés à contenir ou à amortir les eaux;
5° Les bains, les moulins à eau ou à vent, attachés au sol, les machines hydrauliques ou à vapeur fixes quel que soit leur usage;
6° Les forêts, bois, arbres, arbustes et plantes quelconques tenant au sol;
7° Les fruits et récoltes, même arrivés à maturité, tant qu'ils ne sont pas détachés du sol;
8° Les mines, minières et carrières, de quelque nature qu'elles soient, tant que les produits n'en sont pas détachés du sol;
9° Les édifices ou bâtiments fixés ou appuyés au sol, par quelque personne que ce soit, quelque soit leur emploi ou leur destination et lors même qu'ils devraient être démolis dans un temps fixé, sauf l'exception portée à l'article 12;
10° Les fermetures, extérieures et autres accessoires essentiels, même mobiles, desdits bâtiments;
11° Les tuyaux attachés au sol ou aux bâtiments, pour l'arrivée, la conduite ou la sortie des eaux naturelles ou ménagères, ou pour la conduite du gaz ou de la chaleur
12° Les appareils électriques attachés au sol ou aux bâtiments et leurs accessoires.
9. Sont immeubles par destination les objets mobiliers, de quelque nature qu'ils soient, qui ont été placés par leur propriétaire sur le sol ou dans les bâtiments qui lui appartiennent, pour l'exploitation, l'utilité ou l'agrément desdits fonds, soit à perpétuelle demeure, soit pour un temps indéterminé.
Sont présumés immeubles par destination, s'il n'y a preuve du contraire:
1° Les bêtes de somme ou de trait attachées à la culture ou à l'exploitation d'un fonds;
2° Les animaux mis sur le fonds pour l'engrais;
3° Les instruments et ustensiles aratoires;
4° Les semences, pailles et engrais destinés à la culture d'un fonds, lors même qu'ils ne proviendraient pas dudit fonds;
5° Les graines de vers à soie destinées à l'exploitation des magnaneries;
6° Les échalas, pieux et bambous destinés à soutenir les vignes et autres arbres à fruits;
7° Les appareils et ustensiles destinés à la transformation ou à la mise en valeur des produits agricoles, tels que pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes;
8° Les machines, appareils et ustensiles servant à l'exploitation des établissements industriels;
9° Les bains sur bateaux, bacs ou barques destinés au service permanent d'un fonds;
10° Les lanternes (ishi torô), vases, rochers, placés dans les jardins; les tableaux, glaces, sculptures et ornements quelconques attachés aux bâtiments, de manière à ne pouvoir en être détachés sans détérioration;
11° Les tatamis et les shodjis ou karakamis formant les divisions ou fermetures intérieures des maisons, lorsqu'elles ne sont pas habitées et ne contiennent pas d'autres meubles à l'usage des personnes;
12° Les matériaux détachés d'un édifice en réparation et destinés à y être replacés;
13° Les poissons des étangs, les abeilles des ruches à miel et les pigeons des colombiers.
10. Sont immeubles par la détermination de la loi:
1° Les droits réels sur les immeubles corporels ci-dessus énumérés;
2° Les droits personnels ou de créance tendant à acquérir ou à recouvrer un droit réel sur un immeuble;
3° Les rentes sur l'Etat et autres créances mobilières immobilisées par la loi, ou, par les particuliers, en vertu d'une disposition de la loi.
11. Sont meubles par nature les objets susceptibles de déplacement, soit par eux-mêmes, comme les animaux, soit par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées, sauf les exceptions portées par les articles 8 et 9 ci-dessus.
12. Sont meubles, par la destination du propriétaire, les objets qui n'ont été fixés au sol que provisoirement et dans un but momentané; tels sont:
1° Les échaffaudages et étais des constructions;
2° Les hangars destinés à abriter les ouvriers et les matériaux pendant lesdites constructions;
3° Les arbres, arbustes et fleurs élevés ou entretenus en terre, pour être vendus, par les pépiniéristes et jardiniers.
13. Sont meubles par la détermination de la loi:
1° Les droits réels sur les meubles ci-dessus désignés;
2° Les droits personnels ou de créance tendant à acquérir ou à recouvrer la propriété d'une somme d'argent, de denrées, marchandises, ou autres meubles corporels, lors même que des immeubles seraient affectés la garantie de la créance;
3° Les créances ayant pour objet d'exiger d'autrui une prestation, l'accomplissement d'un fait ou l'abstention d'un droit même immobilier;
4° Les droits dans les sociétés civiles ou commerciales constituant une personne morale (incorporelle), jusqu'à leur dissolution, lors même que des immeubles appartiendraient auxdites sociétés.
5° Les droits de propriété littéraire, artistique et industrielle désignés à l'article 4.
14. La nature mobilière ou immobilière des droits à une part de succession ouverte, de société dissoute ou de communauté de biens en liquidation est déterminée par la nature des biens que chaque intéressé reçoit lors du partage.
La nature d'une créance alternative ayant pour objet des meubles ou des immeubles, au choix d'une des parties, est de même déterminée par la nature des biens donnés en payement.
15. Les choses sont principales ou accessoires, suivant qu'elles ont, ou non, leur entière utilité sans être adjointes à d'autres dont elles dépendent.
Ainsi, les immeubles par destination sont accessoires des immeubles par nature; les servitudes foncières sont accessoires du fonds dominant; les garanties des créances sont accessoires desdites créances.
L'aliénation de la chose principale emporte celle de ses accessoires, si le contraire n'est exprimé.
16. Les choses peuvent être envisagées, soit comme objets individuels ou corps certains, tels qu'une maison, un champ, un animal; soit comme quantités déterminées, au poids, au nombre ou à la mesure; soit comme collection d'objets plus ou moins semblables et susceptibles d'augmentation ou de diminution; tels qu'un troupeau, les livres d'une bibliothèque, les marchandises d'un magasin; soit enfin comme universalité de biens formant tout ou partie d'un patrimoine, tels que: tous les meubles ou tous les immeubles d'une succession, ou la succession toute entière, ou une quote part des mêmes biens.
17. Les choses sont, par leur nature, susceptibles, ou non, de se consommer par le premier usage.
Cette distinction reçoit sa principale application en matière d'usufruit, comme il est dit au chapitre II, ci-après.
18. Les choses sont fungibles ou non fungibles, suivant que d'après l'intention des parties ou la disposition de la loi, elles peuvent, ou non, se remplacer par des choses équivalentes.
Les choses de quantité et celles qui se consomment par le premier usage, sont, en général, considérés comme fungibles d'après l'intention des parties.
19. Les choses sont divisibles ou indivisibles, suivant qu'elles sont, ou non, susceptibles d'être divisées, soit matériellement, soit intellectuellement ou par parties aliquotes.
Sont indivisibles par leur nature, la plupart des servitudes foncières, l'hypothèque et les autres sûretés réelles des créances et certaines obligations de faire ou de ne pas faire.
Une chose est indivisible par l'intention des parties, lorsque l'utilité que celles-ci se proposent, dans une convention, ne peut être atteinte aucunement par une prestation partielle de la chose.
20. Les choses sont appropriées ou non appropriées.
Les choses appropriées sont celles qui font partie d'un patrimoine soit privé, soit public.
Les choses non appropriées sont les unes sans maître, les autres communes.
21. Les choses sans maître sont celles qui n'appartiennent à personne mais peuvent devenir l'objet d'un droit de propriété; tels sont: les animaux sauvages, les oiseaux vivant en liberté, les poissons des rivières et de la mer.
Les immeubles qui n'ont pas de maître particulier appartiennent de droit à l'Etat; il en est de même de la succession de ceux qui meurent sans héritiers.
22. Les choses communes sont celles dont la propriété ne peut être à personne et l'usage appartient à tous; tels sont; l'air, l'eau des rivières, la haute mer.
23. Les choses appropriées qui n'appartiennent pas à des particuliers font partie du domaine public ou du domaine privé de l'Etat, des départements ou des communes.
L'aliénation et l'administration de ces choses sont réglées par les lois administratives.
24. Les choses font partie du domaine public, lorsqu'elles sont consacrées à un usage ou à un service national; telles sont:
1° La mer territoriale et les rivages de la mer, jusqu'où s'étend la plus haute marée d'équinoxe;
2° Les routes, rivières navigables, canaux et chemins de fer;
3° Les forteresses, remparts et autres ouvrages de défense des places de guerre ou des côtes
4° Les arsenaux militaires et maritimes et les armes, engins, trains et équippements de toute sorte qui s'y trouvent;
5° Les vaisseaux de guerre, de transport militaire et autres navires constituant la marine de l'Etat, avec leurs accessoires;
6° Les palais impériaux, ceux des In, et des administrations publiques centrales, départementales et communales;
7° Les temples, cimetières et autres lieux religieux;
8° Les bibliothèques, musées, écoles, et les collections qui s'y trouvent;
9° Les établissements pénitentiaires, les prisons, les casernes, les hopitaux, etc.
25. Font partie du domaine privé de l'Etat, des départements ou des communes, les choses que ces personnes civiles possèdent au même titre que les particuliers et qui sont destinées à [leur] donner des revenus appréciables en argent;
tels sont:
Les relais de la mer, les forêts, bois et pâturages nationaux, départementaux et communaux, les immeubles sans maître, et les successions en déshérence, comme il est dit à l'article 21.
La propriété des épaves fluviales et maritimes est réglée par des lois spéciales.
26. Les choses sont dans le commerce ou hors du commerce, suivant qu'elles peuvent, ou non, devenir l'objet d'un droit privé de propriété ou de créance, ou que ceux auquels elles appartiennent peuvent, ou non, en faire l'objet de conventions particulières.
Sont hors du commerce, les biens du domaine public et les choses dont la loi défend le commerce, dans l'intérêt de l'ordre public, comme les successions non ouvertes, les titres et dignités honorifiques, les emplois publics, les pensions civiles et militaires.
27. Les choses sont aliénables ou inaliénables.
Sont inaliénables, bien que se trouvant dans le commerce, en général, les droits d'usage et d'habitation, les servitudes foncières envisagées séparément du fonds dominant, les concessions de mines et autres priviléges ou monopoles accordés par le gouvernement.
28. Les choses sont saisissables ou insaisissables, suivant que les créanciers auxquels elles appartiennent peuvent, ou non, en requérir la vente forcée pour être payés sur le prix.
Sont insaisissables les choses hors du commerce et les choses inaliénables, et, en outre, les choses dont la loi ou la disposition de l'homme interdit la saisie; telles sont: les Rentes sur l'Etat et les rentes viagères ou pensions alimentaires déclarées insaisissables par le constituant.
29. ...............
30. ...............
Première Partie. Des droits réels.
Chapitre 1er De la Propriété.
31. La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer d'une chose de la manière la plus étendue, sous [les limites et] conditions apportées par la loi ou par les conventions particulières.
32. Le propriétaire d'un immeuble [ne] peut être contraint de céder sa propriété à l'Etat, au département ou à la commune, [que] pour cause d'utilité publique légalement reconnue et déclarée, et moyennant une indemnité préalable, réglée conformément aux lois de l'expropriation.
33. Le propriétaire peut être forcé, sous les mêmes conditions, de permettre l'occupation temporaire de sa propriété, pour faciliter l'exécution de travaux d'utilité publique.
34. Les servitudes relatives à l'extraction des matériaux, aux coupes de bois et aux prises d'eau, dans un intérêt général ou local, sont réglées par des lois administratives.
35. Le propriétaire du sol peut établir sur la surface toutes constructions, plantations, cultures, étangs qu'il juge à propos.
Il peut faire au dessous du sol toutes excavations, fouilles et extractions de matériaux.
Pourvû, dans l'un et l'autre cas, qu'il se conforme aux règles établies ci-après, dans l'intérêt des voisins.
Les autres limites et conditions apportées à l'exercice du droit de propriété, dans l'intérêt du voisinage, sont établies au chapitre des servitudes.
36. Le propriétaire peut faire des fouilles pour la recherche des mines qui pourraient exister dans sa propriété; mais il ne peut les mettre en exploitation qu'après en avoir obtenu l'autorisation (la concession) du Gouvernement, conformément aux lois particulières sur les mines.
37. Si le propriétaire est privé de la possession de la chose, il peut la revendiquer contre tout possesseur, sauf ce qui est dit de la prescription des meubles et des immeubles.
Il peut aussi exercer une action négatoire contre ceux qui exerceraient sur son fonds des droits de servitude qu'il prétendrait ne pas exister.
La compétence et les formes de procéder, dans l'un et l'autre cas, sont réglées au code de procédure civile.
38. Si une chose appartient en commun à plusieurs personnes, pour des parts indivises, égales ou inégales, chacun des co-propriétaires peut se servir (user) de la chose, intégralement; mais en se conformant à sa destination et pourvû qu'il ne mette pas obstacle à l'usage des autres;
Les fruits et produits (jouissance) se partagent périodiquement, dans la mesure du droit de chacun;
Chacun peut faire les actes d'administration nécessaires à la conservation de la chose;
Les charges sont supportées par chacun proportionnellement à sa part;
Le tout, sans préjudice des conventions particulières qui régleraient autrement l'usage, la jouissance ou l'administration.
39. A l'égard du droit de disposer, aucun des co-propriétaires ne peut, sans le consentement des autres, modifier la condition matérielle de la chose, ni la grever de droits réels au delà de sa part indivise.
L'aliénation, par un des propriétaires de sa part indivise, met le cessionnaire en son lieu et place vis-à-vis des autres.
40. Chacun des co-propriétaires peut toujours demander le partage de la chose commune, nonobstant toute convention contraire.
On peut cependant convenir de rester dans l'indivision pendant un temps déterminé qui ne peut excéder 5 ans.
Ce délai peut toujours être renouvelé.
Cette disposition ne s'applique pas à la co-propriété indivise résultant de la mitoyenneté appliquée aux cours, passages, puits, haies, murs, ou fossés, communs à plusieurs propriétés.
41. Les règles particulières à la co-propriété entre héritiers, entre époux, ou entre associés sont établies aux titres (aux chapitres) des Successions, du Contrat de mariage et des Sociétés.
42. Si une maison appartient divisément à plusieurs personnes dont chacune est propriétaire d'une portion distincte, leurs droits et leurs devoirs respectifs sont réglés comme il suit:
L'entretien et la réparation des portes, clôtures, fondations, charpentes principales gros murs, toit, servant à tous en même temps, sont à la charge commune, en proportion de la valeur de la part de chacun dans la maison; chacun supporte seul les frais relatifs au plancher et aux cloisons de la portion qui lui appartient, et, s'il y a plusieurs étages, chacun entretient l'escalier qui conduit chez lui.
43. Le droit de propriété s'acquiert, se transmet et se conserve, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers, par les causes et par les moyens qui sont expliqués au Livre III.
44. La propriété se perd:
1° Par l'aliénation volontaire ou forcée:
2° Par l'abandon volontaire de la chose, fait par le propriétaire capable de disposer;
3° Par l'accession ou incorporation de la chose à une autre chose appartenant à un autre propriétaire, sauf l'indemnité due par celui qui se trouve enrichi;
4° Par la destruction totale de la chose, sauf l'indemnité du propriétaire, si le fait est imputable à autrui;
5° Par la prescription acquise à autrui;
6° Par la révocation, la résolution ou la rescision d'une acquisition sujette à ces éventualités;
7° Par la confiscation prononcée en vertu des lois pénales.
45. ...............
Chapitre II. De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation.
46. L'Usufruit est le droit d'user et de jouir, en bon administrateur, d'une chose dont un autre a la propriété, suivant sa destination et sans en changer la nature et la substance.
Les règles particulières à l'Usage et à l'habitation sont exposées à la fin du présent chapitre.
Section. 1re.
De l'établissement de l'usufruit.
47. L'Usufruit est établi par la loi, par la volonté de l'homme ou par la prescription.
Les cas d'usufruit légal sont déterminés au chapitre de la Puissance paternelle et au chapitre des successions.
Les moyens de constituer volontairement l'usufruit sont les mêmes que ceux par lesquels la propriété s'acquiert et se transmet.
La prescription de l'usufruit s'accomplit par le même délai et aux mêmes conditions que la prescription de la propriété.
48. L'usufruit peut être établi sur toute espèce de choses, mobilières ou immobilières, corporelles ou incorporelles, pourvû qu'elles soient dans le commerce.
Il peut même être établi sur un autre usufruit ou sur une rente viagère.
Il peut aussi être établi à titre universel, sur un patrimoine, soit sur tous les meubles ou tous les immeubles, soit sur tous les biens qui le composent, soit sur une part indivise des meubles, des immeubles ou de la totalité dudit patrimoine.
49. L'usufruit peut être constitué purement et simplement, ou pour un terme fixe, à partir duquel il doit commencer ou à l'expiration duquel il doit finir.
Il peut aussi être subordonné à une condition dont l'accomplissement doit le faire commencer ou finir.
L'usufruit constitué purement, à terme ou sous condition, ne peut excéder la vie de l'usufruitier.
50. L'usufruit peut être constitué sur une ou plusieurs têtes, pour être exercé, dans ce dernier cas, soit simultanément, soit successivement.
Dans aucun cas, il ne peut être constitué qu'au profit de personnes déjà nées au moment de l'ouverture du droit.
Section. IIe.
Des droits de l'usufruitier.
51. L'usufruitier peut se faire mettre en possession de la chose soumise à l'usufruit, dès que son droit est ouvert et qu'il a rempli les obligations relatives à l'inventaire et au cautionnement, telles qu'elles sont établies à la section suivante.
Il prend les choses en l'état où elles se trouvent, sans pouvoir exiger aucune réparation ou appropriation (mise en état de servir), à moins qu'elles n'aient été détériorées par la faute du constituant ou de son héritier depuis l'ouverture du droit, ou même antérieurement et de mauvaise foi.
52. L'usufruitier a droit aux fruits perçus par le nu-propriétaire entre le moment où le droit s'est ouvert et celui de son entrée en jouissance, lors même qu'elle aurait été retardée par son fait; à la charge de rembourser les frais faits pour la récolte et la conservation des fruits.
A l'égard des fruits attachés au sol par branches ou racines, au moment de son entrée en jouissance, il a le droit de les percevoir à l'époque de leur maturité, sans indemnité au propriétaire pour les frais de labour, semences et cultures.
53. L'usufruitier a droit, comme le propriétaire lui-même, à tous les fruits naturels et civils produits par la chose pendant la durée de son droit.
54. Les fruits naturels, tant ceux produits spontanément par la terre que ceux obtenus par la culture, sont acquis à l'usufruitier dès leur séparation du sol, soit qu'il l'ait opérée lui-même, soit qu'elle ait été opérée en son nom, soit qu'elle ait eu lieu par accident ou même par l'effet d'un vol.
Toutefois, si la séparation des fruits a eu lieu avant leur maturité, et que l'usufruit vienne à cesser avant l'époque ordinaire de la perception de ces fruits, le profit doit en être rendu au propriétaire.
55. Le croît (les petits) des animaux appartient à l'usufruitier dès leur naissance.
Le lait, la laine et les engrais lui appartiennent également dès qu'ils sont recueillis.
56. Les fruits civils sont acquis à l'usufruitier, jour par jour, à partir de l'ouverture de son droit, jusqu'à la fin de l'usufruit, quelle que soit l'époque du payement par les tiers.
Cette règle s'applique aux redevances en argent dues par des tiers, à raison des choses sujettes à usufruit: spécialement au prix des baux à ferme ou à loyer, aux intérêts des capitaux prêtés ou placés, aux arrérages des rentes et aux redevances des mines, minières et carrières exploitées par des tiers.
57. Si l'usufruit comprend des valeurs mobilières dont on ne peut user et jouir sans les consommer, comme l'argent comptant, les grains, vins et autres denrées, l'usufruitier peut les consommer ou les aliéner à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, pareilles quantités et qualités, ou leur valeur; si l'estimation en a été faite au commencement de l'usufruit.
La même règle s'applique aux marchandises composant un fond de commerce soumis à l'usufruit et aux autres choses fungibles déterminées à l'article 18 des Dispositions générales.
58. A l'égard du mobilier des habitations et des autres objets sujets à une détérioration plus ou moins prompte par l'usage, tels que les ustensiles, le linge et les vêtements, l'usufruitier peut en user suivant leur destination et les restituer en l'état où ils se trouvent à la fin de l'usufruit; pourvû qu'il n'y ait pas eu de détérioration grave par sa faute ou sa négligence.
59. L'usufruitier d'une rente viagère a le droit de percevoir les arrérages, comme le rentier lui-même.
Celui qui a l'usufruit d'un usufruit antérieurement constitué exerce tous les droits qui appartiennent à l'usufruitier titulaire.
60. L'usufruitier d'un haras, d'un troupeau de bêtes à laine ou à cornes, d'une magnanerie, d'animaux de basse-cour et d'autres animaux déterminés seulement par l'espèce et le nombre, peut disposer chaque année d'une portion d'animaux qu'il n'est pas nécessaire de conserver, à charge de tenir le troupeau au complet au moyen du croît.
61. L'usufruitier jouit des bois taillis et des plantations de bambous, en faisant les coupes périodiques, conformément à l'usage et à l'aménagement suivis par les précédents propriétaires.
Si l'aménagement n'avait pas encore été régulièrement établi, l'usufruitier se conforme aux usages forestiers des bois les plus voisins appartenant soit à l'Etat, aux départements ou aux communes, soit aux principaux propriétaires, en prévenant le nu-propriétaire un mois à l'avance.
62. A l'égard des baliveaux et arbres de futaie qui n'étaient pas mis en coupe réglée par les précédents propriétaires, l'usufruitier n'a droit qu'à leurs produits périodiques.
Toutefois, si les bâtiments soumis à son usufruit ont besoin de grosses réparations, l'usufruitier peut y employer les arbres de futaie morts ou renversés par accident et même en faire abattre pour cet usage, s'il est nécessaire, après en avoir fait constater la necessité contradictoirement avec le nu-propriétaire.
63. L'usufruitier peut, à toute époque, prendre, dans les bois et plantations de bambous, les échalas, pieux et supports nécessaires au soutien des autres arbres.
64. Il peut prendre de jeunes arbres dans les pépinières, pour remplacer ou compléter les plantations du fonds.
Il peut aussi vendre périodiquement les arbres et arbustes des pépinières, si telle était leur destination antérieure, ou si les produits excèdent les besoins du fonds sujet à usufruit.
Mais, dans l'un et l'autre cas, il doit entretenir les pépinières avec de nouveaux plants ou semis.
65. Si le fonds sujet à usufruit contient des carrières, soit de pierre ou de marbre, soit de chaux, plâtre, ciment, sable, ou autres minéraux, déjà mises en exploitation et non soumises à la législation spéciale des mines, l'usufruitier en continue l'exploitation à son profit, comme les précédents propriétaires.
Si les carrières ne sont pas en exploitation, l'usufruitier peut seulement prendre les matériaux nécessaires à l'entretien et à la réparation des bâtiments, murs et autres parties des biens sujets à son usufruit.
Il usera aussi des tourbières et marnières, sous les distinctions qui précèdent.
66. Si l'usufruit comprend des mines dont l'exploitation est soumise à l'autorisation du Gouvernement, l'usufruitier se conformera à la législation spéciale des mines, en ce qui concerne le mode et les conditions de l'exploitation.
67. L'usufruitier jouit des alluvions ou attérissements et des îles ou autres accessions qui augmentent la propriété sujette à l'usufruit.
Toutefois, si l'accession n'a eu lieu qu'à charge d'une indemnité à payer par le propriétaire, l'usufruitier doit en payer les intérêts au nu-propriétaire pendant la durée de son usufruit.
Il n'a aucun droit sur le trésor qui serait découvert par un tiers dans le fonds sujet à usufruit.
68. L'usufruitier a, comme le propriétaire lui-même, le droit de chasse et de pêche sur le fonds sujet à l'usufruit.
69. L'usufruitier exerce toutes les servitudes réelles ou foncières appartenant au fonds usufructuaire; il est responsable envers le nu-propriétaire, s'il a laissé lesdites servitudes s'éteindre par le non-usage.
70. L'usufruitier peut exercer directement contre le nu-propriétaire et contre les tiers toutes les actions possessoires et pétitoires relatives à son droit de jouissance;
Il exerce aussi, dans la mesure de son droit, les actions confessoires et négatoires relatives aux servitudes respectivement prétendues au profit ou au préjudice du fonds usufructuaire.
71. L'usufruitier, autre que le père ou la mère, peut céder son droit à titre gratuit ou onéreux, le donner à bail ou en usufruit, et même l'hypothéquer, quand la chose sujette à usufruit est elle-même susceptible d'hypothèque;
Mais, dans tous les cas, les droits consentis par l'usufruitier sont subordonnés à la durée aux limites et conditions auxquelles l'usufruit est lui-même soumis.
72. L'usufruitier n'a droit, à la fin de l'usufruit, à aucune récompense à raison des fruits et produits qu'il aurait manqués à percevoir lors même qu'ils seraient encore attachés au sol,
Il ne peut non plus réclamer du propriétaire aucune indemnité pour les améliorations qu'il aurait faites à la chose soumise à l'usufruit, encore que la valeur en soit augmentée,
Il peut seulement enlever les constructions, plantations, ornements, et autres additions par lui faites, en rétablissant les choses dans leur état primitif.
SECTION III. DES OBLIGATIONS DE L'USUFRUITIER.
73. L'usufruitier, avant d'entrer en possession des biens sujets à son droit, doit faire dresser, contradictoirement avec le nu-propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire complet et exact des objets mobiliers et faire constater l'état des immeubles.
74. Si les deux parties intéressées sont présentes et capables ou valablement représentées, l'inventaire et l'état des immeubles pourront être faits sous signature privée; dans le cas contraire, ils seront dressés par un officier public.
75. L'estimation faite dans l'inventaire des choses fungibles vaut vente, si le contraire n'a été exprimé; à l'égard des choses non fungibles, l'estimation n'en vaut vente que si l'inventaire le mentionne expressément.
Les frais d'inventaire et de prisée (estimation) sont à la charge de l'usufruitier et du nu-propriétaire, chacun pour moitié.
76. Si, lors de la constitution de l'usufruit, l'usufruitier a été dispensé de faire inventaire des meubles ou état des immeubles, le nu-propriétaire peut toujours y faire procéder, à ses frais, contradictoirement avec l'usufruitier ou lui dûment appelé, sans pouvoir, de ce chef, retarder l'entrée en jouissance de plus de dix jours après l'ouverture du droit.
77. Si l'usufruitier est entré en possession avant d'avoir fait procéder à l'inventaire et à l'état des biens, quand il n'en a pas été dispensé, il est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir reçu les immeubles en bon état.
A l'égard des objets mobiliers, le nu-propriétaire pourra en prouver la consistance et valeur par toutes les preuves ordinaires, même par commune renommée.
78. L'usufruitier ne peut pareillement entrer en jouissance, sans avoir fourni une caution ou d'autres garanties suffisantes pour les restitutions et autres indemnités auxquelles il peut être tenu, à la fin de l'usufruit.
79. En cas de désaccord entre les parties sur la nature de la garantie à fournir, le tribunal pourra admettre l'engagement d'une personne notoirement solvable, ou le dépôt de sommes ou valeurs, soit à la caisse publique des dépôts et consignations, soit aux mains d'un tiers agréé par les parties; il pourra aussi admettre un gage ou une hypothèque.
80. A l'égard de la somme à garantir, le tribunal ne pourra la fixer au-dessous de la valeur estimative intégrale des objets mobiliers, lorsque l'estimation en vaut vente, ni au-dessous de la moitié de ladite valeur, lorsque l'estimation ne vaut pas vente.
Mais, dans ce dernier cas, si, au cours de l'usufruit, l'usufruitier cède ou loue son droit sur les meubles estimés, la garantie sera toujours exigée pour la valeur estimative intégrale.
Pour les immeubles, le tribunal arbitrera la somme à laquelle la garantie devra s'élever.
81. L'acte qui constituera la garantie contiendra, en même temps, l'engagement de la caution ou de l'usufruitier pour le montant des sommes fixées à l'article précédent.
82. Si l'usufruitier ne peut fournir une caution suffisante, soit pour les meubles, soit pour les immeubles, il est procédé comme il suit, à défaut de conventions entre les parties:
Les denrées et autres choses fungibles sont vendues publiquement et le prix en est placé, avec l'argent comptant, soit à la caisse des dépôts publics, soit en rentes sur l'Etat, sous le nom des deux ayants-droit, et l'usufruitier en perçoit les intérêts ou arrérages;
Les autres meubles restent en la possession du nu-propriétaire;
Les immeubles sont donnés à bail à un tiers ou conservés à ce titre par le nu-propriétaire, et l'usufruitier perçoit les loyers ou fermages, sous la déduction des frais de réparation ou d'entretien et autres charges annuelles.
83. Si l'usufruitier ne peut donner qu'une garantie partielle, il aura, dans la même mesure, le choix des objets qui pourront lui être délivrés.
84. L'usufruitier peut être dispensé de fournir caution par le titre constitutif de son droit; mais cette dispense cesse s'il devient insolvable après l'ouverture de son droit.
Les objets sont alors restitués au nu-propriétaire et il est procédé conformément aux deux articles précédents.
L'usufruit légal des père et mère est toujours dispensé du cautionnement.
Il en est de même de l'usufruit réservé, par le donateur à son profit sur les choses par lui données entre-vifs.
85. Dès que l'usufruitier est entré en jouissance, il doit veiller, en bon administrateur, à la conservation des choses usufructuaires.
Il est responsable des pertes ou détériorations qui proviendraient de sa faute ou de sa négligence, sans préjudice des mesures autorisées contre lui par l'article 59, pour la sauvegarde des droits du propriétaire.
86. Si les choses soumises à l'usufruit ont péri, en tout ou en partie, par un incendie, l'usufruitier est présumé en faute, s'il ne fournit la preuve du contraire.
87. L'usufruitier est tenu de faire, sans recours, les réparations d'entretien des meubles et des immeubles.
Il n'est tenu des grosses réparations que si elles sont devenues nécessaires par sa faute ou par le défaut de réparations d'entretien.
S'il y fait procéder, même sans en être tenu, il n'a droit de ce chef, à aucune indemnité.
88. Le nu-propriétaire n'est pas tenu, non plus, des grosses réparations; s'il y fait procéder, il ne peut réclamer de l'usufruitier aucune contribution à la dépense.
89. Sont considérées comme grosses réparations des bâtiments: celles, même partielles, des murs principaux et des voûtes, le changement d'une ou plusieurs poutres principales, la réfection de la couverture entière;
Sont aussi grosses réparations, celles d'un mur de soutènement d'une digue et d'un mur de clôture, soit en entier, soit sur une superficie de plus du dixième de la totalité.
90. L'usufruitier est tenu d'acquitter les contributions et autres charges publiques annuelles ordinaires, tant générales que locales, imposées au fonds dont il a la jouissance.
A l'egard des charges ou contributions extraordinaires qui pourraient être imposées à la propriété pendant la durée de l'usufruit, le nu-propriétaire en paye le capital et l'usufruitier en supporte les intérêts annuels pendant la durée de l'usufruit.
Sont considérées comme charges extraordinaires:
1° Les emprunts forcés,
2° Les impôts nouveaux ou les augmentations d'impôts anciens, lorsque l'acte législatif qui les a établies leur a donné la qualification de temporaires ou d'extraordinaires.
91. Si les bâtiments ont été assurés contre l'incendie, par le propriétaire, avant la constitution de l'usufruit, l'usufruitier peut être contraint à supporter l'intérêt des primes annuelles; à charge, par le propriétaire, de lui laisser la jouissance de l'indemnité payée en cas de sinistre.
L'usufruitier peut aussi faire l'assurance, à ses frais, dans l'intérêt du propriétaire et dans le sien réunis; dans ce cas, il prélève sur l'indemnité le montant des primes par lui payées et il jouit du surplus.
Les mêmes dispositions sont appliquées si l'usufruit porte sur des navires ou bateaux assurés contre les risques de mer.
92. L'usufruitier peut aussi n'assurer les bâtiments que pour la valeur de son droit d'usufruit; dans ce cas, il supporte seul les primes annuelles et, en cas de sinistre, le montant de l'indemnité lui appartient en toute propriété.
Il en est de même, s'il assure les récoltes ou produits, contre les gelées, la grêle ou autres accidents naturels.
93. L'usufruitier universel ou à titre universel, d'une succession, tel qu'il est prévu à l'article 48 est tenu des intérêts des dettes qui la grèvent, dans la proportion de son émolument.
Il supporte, dans la même proportion, les arrérages des rentes viagères ou pensions alimentaires dues par ladite succession.
94. L'usufruitier d'un ou plusieurs biens particuliers ne contribue pas au payement des dettes du constituant, lors même que les biens sujets à l'usufruit seraient grevés d'hypothèque ou de privilége.
S'il est poursuivi comme détenteur, il a son recours contre le débiteur, sans préjudice de son action en garantie d'éviction contre le constituant ou son héritier, s'il y a lieu.
95. Dans les divers cas où une charge doit être supportée par le nu-propriétaire, pour le capital, et par l'usufruitier, pour les intérêts, il est procédé de l'une des trois manières ci-après:
Ou le nu-propriétaire paye le capital et l'usufruitier lui en sert les intérêts annuels;
Ou l'usufruitier fait l'avance du capital et le nu-propriétaire le lui rembourse à la fin de l'usufruit;
Ou l'on vend une partie des biens usufructuaires jusqu'à concurrence de la somme exigible.
96. Si, pendant la durée de l'usufruit, un tiers commet sur le fonds quelque usurpation ou entreprise qui puisse compromettre les droits du nu-propriétaire, l'usufruitier doit dénoncer le fait à celui-ci; faute de quoi, il est responsable de tous les dommages causés et des prescriptions ou des droits de possession qui pourraient être acquis aux tiers.
97. Si le propriétaire soutient, comme demandeur ou défendeur, un procès concernant la pleine propriété du fonds, il doit appeler l'usufruitier en cause, et celui-ci supporte les intérêts des frais du procès;
L'usufruitier supporte seul les frais de procès ne concernant que la jouissance seulement;
Dans l'un et l'autre cas, l'usufruitier est exempt des frais, si la constitution de l'usufruit a eu lieu par un acte lui donnant droit à la garantie d'éviction.
En aucun cas, l'usufruitier ne contribue aux frais des procès ne concernant que la nue-propriété.
98. Si, du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, l'un n'a pas été mis en cause, quand il devait l'être, le jugement ne peut nuire à celui qui n'a pas été partie en cause; mais il peut lui profiter, conformément aux règles de la gestion d'affaires.
SECTION IV. DE L'EXTINCTION DE L'USUFRUIT.
99. L'usufruit s'éteint par les mêmes causes qui mettent fin au droit de propriété, conformément à l'article 44 (14 du chapitre de la propriété).
Il s'éteint encore:
1° Par la mort de l'usufruitier,
2° Par l'accomplissement du terme pour lequel il avait été établi,
3° Par la renonciation expresse de l'usufruitier à son droit,
4° Par le non-usage continu pendant trente ans,
5° Par la révocation pour abus de jouissance de l'usufruitier.
100. Si l'usufruit a été constitué sur plusieurs têtes simultanément et par indivis, la part des usufruitiers décédés accroît (profite) aux survivants et l'usufruit ne s'éteint qu'au décès du dernier mourant.
101. L'usufruit constitué au profit d'une personne incorporelle s'éteint par le terme de 30 ans, s'il n'a été fixé pour une moindre durée.
102. La renonciation de l'usufruitier à son droit ne le décharge pas de ses obligations antérieures qu'il n'aurait pas exécutées.
Elle ne peut nuire aux tiers qui avaient acquis des droits sur la chose du chef de l'usufruitier.
103. Le non-usage n'est pas opposable aux mineurs ni aux autres personnes contre lesquelles la prescription ne peut courir.
104. Si l'usufruitier commet sur la chose des dégradations irréparables ou s'il en compromet la conservation par défaut d'entretien ou par abus de jouissance, le tribunal pourra mettre la chose sous séquestre aux frais de l'usufruitier ou déclarer l'usufruit éteint au profit du nu-propriétaire, en fixant une somme ou portion de fruits ou revenus que celui-ci devra payer annuellement à l'usufruitier, jusqu'à l'arrivée d'une des autres causes d'extinction de l'usufruit.
Le tribunal règlera, en même temps, le partage des fruits et produits de l'année courante.
La valeur en argent ou en fruits due à l'usufruitier pour l'avenir lui sera acquise, jour par jour, à proportion du temps qu'aura duré l'usufruit pendant la dernière année.
105. La révocation de l'usufruit ne préjudicie pas à l'indemnité des dommages antérieurement causés par l'usufruitier.
106. Hors le cas prévu à l'article 104 les fruits et produits non recueillis par l'usufruitier [encore attachés au sol], au moment de la cessation de l'usufruit appartiennent au nu-propriétaire, sans indemnité des frais de culture ou d'exploitation; sauf les droits qui pourraient être acquis à un fermier.
107. Si un bâtiment usufructuaire est détruit en totalité, par accident ou par vétusté, l'usufruitier ne jouit ni du sol ni des matériaux; à moins que le bâtiment ne soit l'accessoire d'un domaine sujet à l'usufruit.
108. Si les bâtiments incendiés étaient assurés, soit par le propriétaire, soit par l'usufruitier, ce dernier jouit de l'indemnité, suivant les distinctions portées aux articles 91 et 92.
109. Si le fonds usufructuaire a été exproprié pour cause d'utilité publique, l'usufruitier jouit de l'indemnité.
110. Dans les cas prévus aux deux articles précédents, l'usufruitier donne caution pour les sommes dont il jouit, s'il n'en a pas été spécialement dispensé en prévision desdits cas.
111. L'usufruit d'un lac ou d'un étang s'éteint, quand le fonds vient à être desséché d'une façon permanente.
Réciproquement, l'usufruit d'un sol labourable cesse, si le sol vient à être envahi d'une façon permanente par les eaux.
112. L'usufruit d'un troupeau ne s'éteint que par la perte totale du troupeau.
Dans ce cas, si la destruction a eu lieu par un accident subit et imprévu, l'usufruitier doit rendre les cuirs au nu-propriétaire.
APPENDICE. RÈGLES PARTICULIÈRES À L'USAGE ET À L'HABITATION.
113. L'usage est un usufruit restreint à la mesure des besoins de l'usager et à ceux de sa famille.
L'habitation est le droit d'usage des bâtiments.
114. Sont considérés comme formant la famille de l'usager, pour déterminer la mesure de son droit d'usage ou d'habitation: son conjoint légitime, ses descendants ou ascendants légitimes, adoptifs et naturels, habitant avec lui et les serviteurs attachés à leur personne.
115. Si le titre constitutif ou une convention ultérieure ne détermine pas le mode d'exercice du droit d'usage d'un fonds de terre, ni les bâtiments où s'exercera l'habitation, le tribunal les déterminera, après avoir entendu les parties contradictoirement.
116. L'usage et l'habitation ne peuvent être cédés ni loués.
117. Au surplus, les droits d'usage et d'habitation s'établissent de la même manière et s'éteignent par les mêmes causes que l'usufruit.
Ils obligent de même à faire un inventaire des meubles et un état des immeubles et à donner caution.
Ils entraînent la même contribution proportionnelle aux charges annuelles et aux frais de procès.
CHAPITRE III. DU BAIL, DE L'EMPHYTÉOSE ET DE LA SUPERFICIE.
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.
121. Le Bail ou louage d'une chose corporelle, mobilière ou immobilière, donne au preneur le droit d'user et de jouir de la chose louée, pendant un certain temps, moyennant une somme d'argent ou autre valeur qu'il s'engage à fournir périodiquement au bailleur; sans préjudice des obligations respectives dont les parties sont tenues en vertu de la convention ou par l'effet de la loi, telles qu'elles sont déterminées aux sections II et III ci-après.
122. Les droits et obligations qui naissent du contrat de louage d'ouvrage ou d'industrie et du louage de services sont réglés au Livre IIIe.
123. Les règles particulières aux baux des biens de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics sont portées par les lois administratives.
SECTION PREMIÈRE. DE L'ÉTABLISSEMENT DU DROIT DE BAIL.
124. Le droit de bail s'établit par le contrat de bail ou de louage.
Dans le cas où le droit de bail aurait été légué par testament, l'héritier devrait passer avec le légataire un contrat de bail aux clauses et conditions portées dans le testament.
Il en serait de même dans le cas d'une promesse de bail: le promettant devrait passer un contrat de bail au stipulant.
125. Le contrat de bail des choses est soumis aux règles générales des contrats à titre onéreux et synallagmatique, sauf les dérogations ci-après.
126. Les administrateurs légaux ou judiciaires de la chose d'autrui peuvent la donner à bail;
Toutefois, le bail par eux consenti sans un pouvoir spécial, quant à la durée, ne peut excéder:
Deux ans, s'il s'agit d'un animal ou d'un autre objet mobilier.
Cinq ans, s'il s'agit d'un bâtiment d'habitation, d'un magasin ou d'une autre construction;
Dix ans, s'il s'agit d'une terre labourable, d'un bois, d'un étang, d'une carrière ou d'une autre partie du sol.
127. L'administrateur ne peut renouveler les baux, pour une même durée, que trois mois, six mois, ou un an, avant l'expiration de la précédente période, suivant la distinction des choses louées, portée à l'article précédent.
128. L'administrateur de la chose d'autrui ne peut louer moyennant une valeur autre que l'argent;
Toutefois, s'il s'agit d'une culture de riz ou d'autres grains, le prix du bail peut être stipulé payable pour moitié en produits du fonds, d'après la valeur locale courante; sauf au preneur à effectuer le payement total en argent, s'il le préfère.
129. Les règles posées aux trois articles précédents s'appliquent aux mandataires ou administrateurs conventionnels, soit généraux, soit spéciaux; à moins que le mandat n'ait étendu ou restreint leurs pouvoirs par écrit.
130. Les mineurs émancipés et les femmes mariées ayant l'administration de leurs biens ne peuvent les donner à bail qu'aux mêmes conditions que les administrateurs de la chose d'autrui.
131. Le preneur ne pourra demander la nullité ou la réduction des baux ou des renouvellements de baux contraires aux articles précédents, si le propriétaire étant maître de ses droits, déclare les ratifier.
Il pourra seulement, à toute époque, requérir le propriétaire de déclarer sa volonté à cet égard dans un délai de 8, 15 ou 30 jours, suivant la nature de l'objet loué, telle qu'elle est distinguée à l'art. 126. Si le propriétaire refuse de se prononcer, le preneur pourra déclarer qu'il maintient la durée du bail telle qu'elle a été fixée antérieurement.
132. Lorsque les baux d'immeubles faits par le propriétaire excèdent trente années, ils deviennent des baux emphytéotiques et sont soumis aux règles particulières établies ci-après pour ces sortes de baux.
SECTION II. DES DROITS DU PRENEUR À BAIL.
133. Le preneur peut tirer de la chose louée les mêmes profits et avantages qu'un usufruitier, sauf les restrictions ou extensions qui peuvent avoir été apportées à ses droits par l'acte constitutif du bail et celles qui résultent des dispositions de la loi.
134. Le preneur peut se faire mettre par le bailleur en possession de la chose louée, à l'époque fixée pour l'entrée en jouissance, sans être tenu de faire un inventaire ou un état des biens, ni de donner caution, à moins que le contrat ne l'y oblige.
135. Il peut exiger que le bailleur, avant la délivrance, mette la chose en bon état de réparations de toute nature, suivant sa destination.
Le bailleur est tenu, en outre, pendant la durée du bail, de faire toutes les réparations, grosses et d'entretien, autres que celles qui sont rendues nécessaires par la faute ou la négligence du preneur et de ses serviteurs, lesquelles restent à la charge du preneur.
Le bailleur n'est pas tenu, pendant la durée du bail, de supporter l'entretien des tatamis, des karakamis, des chojis, ni des papiers de tenture.
Il n'est pas tenu, non plus, du curage des puits ni des conduites d'eaux pluviales ou ménagères.
136. Le bailleur peut faire aux bâtiments les grosses réparations devenues nécessaires, lors même que le preneur ne les exigerait pas et qu'il en devrait résulter pour lui quelque inconvénient.
Toutefois, si les réparations durent plus d'un mois, le preneur devra être indemnisé, s'il y a lieu; il pourra même faire résilier le bail, si les réparations le privent, pendant un temps quelconque, de toute la partie habitable de la chose louée ou de celle qui lui est absolument nécessaire pour son commerce ou son industrie.
137. Si le preneur éprouve, par le fait d'un tiers, quelque trouble ou contestation de droit à sa jouissance, pour une cause qui ne lui soit pas imputable, le bailleur, dûment averti par lui, doit intervenir et en garantir le preneur.
138. Si le trouble provient d'une force majeure, telle que guerre, inondation, incendie, ou d'une mesure légitime de l'autorité publique, et que le preneur en éprouve une perte du tiers de la jouissance ou des profits annuels, ou au delà, il peut obtenir une réduction proportionnelle du prix du bail.
Le preneur peut même faire résilier le bail, si ledit trouble a duré trois années consécutives, et même, au cas d'incendie ou d'autre destruction des bâtiments, si le propriétaire ne les a pas rétablis dans l'année de la destruction.
139. Si dans un bail ayant pour objet principal un sol, il se trouve une contenance moindre que celle annoncée au contrat, le preneur peut faire résilier le bail aux mêmes conditions que l'acheteur d'un terrain peut en faire résilier la vente pour défaut de contenance.
140. Si le bail d'un bâtiment a été fait pour l'exercice d'un commerce de détail et que le bailleur ait conservé une partie de bâtiments contigüs ou situés dans la même enceinte, il ne peut la louer à un autre ou l'occuper lui-même pour l'exercice du même commerce.
141. Le preneur peut faire sur le fonds loué des constructions ou plantations à sa convenance, pourvu qu'il n'apporte aucun changement aux constructions ou plantations existantes, sans le consentement formel du bailleur.
A la fin du bail, il peut enlever lesdites constructions et plantations qu'il a faites, si les choses peuvent être rétablies dans l'état antérieur; sauf la faculté accordée au bailleur par l'article 156.
142. Le preneur peut, s'il n'y a stipulation contraire, céder son bail, à, titre gratuit ou onéreux, ou sous-louer la chose, pour le temps du bail qui reste à courir.
Dans le premier cas, il a les droits d'un donateur ou d'un vendeur et, dans le second cas, ceux d'un bailleur.
Dans l'un et l'autre cas, il reste tenu de ses obligations envers son bailleur, si celui-ci n'a pas fait novation avec le nouveau preneur.
Si le prix du bail consiste en une part de fruits ou produits non convertible en argent, la cession du bail ou la sous-location ne peuvent avoir lieu sans le consentement du bailleur.
143. Le preneur d'un immeuble peut hypothéquer son droit, si la cession ou la sous-location ne lui est pas interdite.
144. Le preneur peut exercer contre les tiers, pour la conservation de son droit et pour la jouissance des servitudes attachées au fonds, les actions énoncées aux articles 69 et 70 du chapitre de l'Usufruit.
SECTION III. DES OBLIGATIONS DU PRENEUR.
145. Le preneur est tenu, au moment de son entrée en jouissance, ou à toute autre époque, d'admettre le bailleur à procéder, contradictoirement avec lui, à l'inventaire des meubles et à l'état des lieux loués, si le bailleur le désire, pour la conservation de ses droits; mais il ne contribue pas aux frais de ces actes.
Le preneur peut aussi faire procéder lui-même auxdits état ou inventaire et à ses frais, après y avoir appelé le bailleur.
S'il n'a été fait aucun état des lieux, le preneur est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir reçu les choses en bon état de réparation.
146. Le preneur est tenu de payer aux époques convenues et, à défaut de convention, à la fin de chaque mois, le prix du bail stipulé en argent.
A l'égard des portions de fruits dues au même titre, elles ne sont exigibles qu'après la récolte, mais en entier.
147. Le preneur est tenu d'exécuter les autres clauses et conditions particulières du bail, faute de quoi, le bailleur peut l'y contraindre directement, par voie d'action, ou faire résilier le bail, avec dommages intérêts, s'il y a lieu.
148. Jusqu'à la vente des produits du fonds, le preneur est tenu, pour la garantie du bailleur, de les engranger dans les lieux loués, s'ils sont disposés à cet effet; à moins qu'il ne préfère payer l'année courante par anticipation.
149. Le preneur n'est tenu d'aucun des impôts ordinaires ou extraordinaires qui peuvent peser directement sur la chose louée: ceux qui pourraient être exigés de lui, en vertu des lois de finances, entreraient en déduction de son prix de bail ou lui seraient remboursés par le bailleur; sauf toute convention contraire.
Mais les impôts et charges mis sur les bâtiments élevés par le preneur et sur le commerce ou l'industrie qu'il exerce sur le fonds loué sont à sa charge.
150. Le preneur ou son cessionnaire ne peut user de la chose louée que suivant la destination qui lui a été donnée par la convention, ou, à défaut de stipulation, à cet égard, suivant la destination qu'elle avait au moment du contrat, ou que sa nature comporte sans détérioration.
151. Le preneur est tenu, quant à la garde et à la conservation des choses louées, des mêmes obligations que l'usufruitier.
Si un tiers commet une usurpation ou autre entreprise sur la chose louée, le preneur doit en avertir le bailleur, comme il est dit à l'article 97 du chapitre II, au sujet de l'usufruitier et sous la même sanction.
152. S'il y a plusieurs locataires d'un même bâtiment ou de plusieurs bâtiments situés dans la même enceinte et appartenant au même propriétaire, ils sont solidairement responsables de l'incendie envers celui-ci; à moins qu'il ne soit prouvé que tous ou quelques uns sont exempts de faute.
153. Le recours de celui qui aura payé les dommages sera réparti par le tribunal entre tous les preneurs, en tenant compte tant de l'étendue des divers locaux que des dangers plus ou moins considérables que chaque location présentait, d'après la profession du locataire et ses habitudes.
154. Si le propriétaire habitait lui-même une partie des bâtiments incendiés dans la même enceinte, il ne pourra agir en indemnité contre les locataires qu'en prouvant que l'incendie n'a pas commencé chez lui, et dans ce cas même, la responsabilité solidaire des locataires est limitée à la valeur des locaux à eux loués.
155. Si, à la fin du bail, le preneur ne restitue pas les choses louées, il peut être poursuivi, à cet effet, par action personnelle ou réelle, au choix du preneur.
156. Le bailleur peut exiger, à la fin du bail, que le preneur lui cède, pour leur valeur actuelle, à dire d'experts, les constructions et plantations que celui-ci a le droit d'enlever d'après l'article 141.
SECTION IV. DE LA CESSATION DU BAIL.
157. Le bail finit de plein droit:
1° Par la perte totale de la chose louée, sauf l'indemnité due par la partie à la faute de laquelle la perte est imputable;
2° Par l'expropriation totale de la chose, pour cause d'utilité publique;
3° Par l'éviction du bailleur, ou par la nullité de son droit sur la chose louée, lorsqu'elles sont prononcées en justice et pour des causes antérieures au contrat;
4° Par l'expiration du terme fixé expressément ou tacitement;
Le bail finit aussi par la résolution prononcée en justice, à la demande de l'une des parties, pour inobservation des conditions ou pour les autres causes que la loi autorise.
158. Dans le cas de perte partielle de la chose louée, le preneur peut demander la résolution du bail, ou son maintien avec diminution du prix, sous les conditions portées à l'article 138.
Au cas d'expropriation partielle pour cause d'utilité publique, le preneur a toujours droit à une diminution de prix.
159. Si à l'expiration du bail ayant une durée fixée, le preneur reste en jouissance, au su et sans opposition du bailleur, il s'opère tacitement un nouveau bail, aux mêmes charges et conditions que le précédent.
Toutefois, les cautions qui garantissaient le premier bail sont libérées et les hypothèques fournies au même titre sont éteintes.
Le nouveau bail cessera par le congé, comme il est dit aux articles suivants.
160. Le bail fait sans durée expressément fixée, d'une maison, d'un corps de logis, ou d'un appartement meublé, est censé fait pour un an, pour un mois ou pour un jour, si le prix en a été déterminé par année, par mois ou par jour; sans préjudice de la tacite réconduction, comme il est dit à l'article précédent.
161. S'il n'a pas été fixé de durée pour un bail de bâtiments non meublés, le bail finira par un congé donné par l'une des parties à l'autre, à toute époque de l'année.
L'intervalle entre le congé et la sortie sera:
De trois mois, pour une maison entière;
De deux mois, pour un corps de bâtiments (logis) ou pour un local moins étendu où le preneur exerce un commerce ou une industrie;
D'un mois, pour tous autres locaux non meublés.
Pour les locaux meublés, à l'égard desquels il y aura eu tacite réconduction, l'intervalle entre le congé et la sortie sera de quinze jours, sans distinction.
162. Pour le bail de meubles, fait sans durée fixée, le congé doit être donné 15 jours à l'avance.
Toutefois, s'il s'agit de meubles garnissant des bâtiments loués, ou de meubles réputés immeubles par destination, la location n'en cesse qu'avec celle des bâtiments.
La durée du bail d'animaux donnés à cheptel est réglée au Livre III.
163. A l'égard du bail d'un bien rural, fait sans durée fixée, le congé doit être donné un an avant l'époque de la principale récolte annuelle.
164. Dans tous les cas, si le bail se trouve expiré avant que le preneur ait pu détacher ou enlever toutes les récoltes auxquelles il a droit, le bailleur ou le nouveau preneur doit lui en laisser la facilité.
Réciproquement, le preneur doit permettre au bailleur ou au nouveau preneur de faire, avant l'expiration du bail, les travaux urgents sur les portions de terrain dépouillées de récoltes, lorsqu'il ne doit en éprouver aucun trouble sérieux.
165. Si le bailleur s'est réservé la faculté de résilier le bail avant l'expiration du temps fixé, soit au cas d'aliénation de la chose louée, soit au cas où il reprendrait la jouissance pour lui-même, ou pour toute autre cause particulière; de même, si le preneur s'est réservé ladite faculté en vue de certaines éventualités où la location lui deviendrait inutile, ils doivent se donner respectivement congé à l'avance au temps fixé par les articles précédents, à moins que le temps restant à courir d'après la convention ne se trouve plus court.
APPENDICE. DES RÈGLES PARTICULIÈRES À CERTAINS BAUX.
I. DE L'EMPHYTÉOSE.
166. L'emphytéose est un bail d'immeuble à long terme ou de plus de trente années.
Elle ne peut excéder cinquante ans.
Si elle a été faite pour une plus longue durée, elle est réduite à ce terme.
Elle peut toujours être renouvelée.
167. Les droits et obligations respectifs des parties sont réglés par le titre constitutif de l'emphytéose.
A défaut de conventions particulières, les règles du bail ordinaire, ci-dessus établies, s'appliqueront à l'emphytéose, sous les modifications ci-après.
168. L'emphytéote [ou preneur à emphytéose] d'un terrain peut en charger la nature, pourvû qu'il n'y apporte pas de détérioration permanente.
169. L'emphytéote peut défricher les landes, buissons et bambous; mais il ne peut, sans le consentement du propriétaire, arracher les bois taillis, ni les arbres qui, n'étant pas destinés à être coupés périodiquement, ont déjà plus de 20 ans et dont la croissance peut se prolonger au delà du temps que doit durer le bail.
Il peut toujours dessécher les marais et modifier les cours d'eau qui traversent le fonds.
170. Si l'emphytéose porte sur des carrières de pierre, de chaux, de sable ou d'autres matériaux tirés de l'intérieur du sol ou pris sur la surface, le preneur peut en continuer à son profit, l'exploitation déjà commencée.
Si lesdites carrières ne sont pas encore ouvertes et en exploitation, il peut seulement y prendre des pierres ou d'autres matériaux pour l'amélioration du fonds.
171. L'emphytéote ne peut, sans le consentement du propriétaire, supprimer les bâtiments principaux, ni ceux des bâtiments accessoires dont la durée peut excéder la durée du bail.
172. Dans tous les cas où, d'après l'article précédent et d'après l'article 169, l'emphytéote est autorisé à supprimer des constructions ou des arbres, les matériaux et les bois en provenant appartiennent au propriétaire.
173. Le bailleur livre la chose en l'état où elle se trouve au moment du contrat d'emphytéose.
Il n'est tenu à aucune réparation, grosse ou d'entretien.
Les détériorations survenues par cas fortuit ou force majeure, pendant la durée de l'emphytéose, ne donnent pas lieu à diminution du prix du bail; sans préjudice du droit de résolution réservé au preneur par l'article 178.
174. Le preneur paye tous les impôts fonciers ordinaires et extraordinaires, quand la loi qui établit ces derniers n'en a pas décidé autrement.
175. Si un fonds a été donné en emphytéose à plusieurs personnes par un seul contrat, l'obligation de payer la rente annuelle est solidaire et indivisible de la part de chaque contractant ou de leurs héritiers.
176. En cas de cession ou de sous-location du bail emphytéotique, lesdites obligations passent au cessionnaire ou sous-locataire, et le cédant en reste garant, comme caution, si le bailleur ne l'a pas expressément affranchi ou n'est pas intervenu à l'acte de cession en l'acceptant, sans réserver ses droits.
177. Le bailleur peut demander la résolution du bail emphytéotique pour défaut de payement de la redevance pendant trois ans consécutifs.
Il peut même demander la résolution pour tout défaut de payement, si le preneur est déclaré en faillite ou insolvable, sur la poursuite d'autres créanciers; à moins que ceux-ci n'assurent le payement régulier de la redevance.
178. Le preneur peut demander la résolution du bail, si, par force majeure, la jouissance du fonds est devenue impossible pour le tout, pendant trois années consécutives, ou si la détérioration partielle ne doit pas laisser dans l'avenir de profits supérieurs à la rente annuelle à payer.
179. A l'expiration du bail ou à sa résolution, le preneur laisse, sans indemnité, les plantations et améliorations qu'il a faites sur le fonds.
Pour les constructions, les dispositions du bail ordinaire lui sont applicables.
II. DE LA SUPERFICIE.
180. La superficie est le droit de posséder en propriété des constructions ou des plantations d'arbres forestiers, sur un sol appartenant à un autre propriétaire.
Le droit de superficie peut aussi porter sur la surface arable d'un sol non bati ni planté dont le tréfonds appartient à un autre propriétaire.
181. Lorsque les constructions ont été faites par le propriétaire du fonds, l'acte constitutif du droit de superficie est soumis aux règles générales des aliénations d'immeubles, à titre gratuit ou onéreux, suivant les cas.
182. Si le titre constitutif soumet le superficiaire au payement d'une redevance annuelle envers le propriétaire du sol, à raison de l'espace occupé par les constructions ou plantations cédées, ses droits et obligations sont régis, à cet égard, par les règles ci-dessus établies pour le bail emphytéotique.
Il en est de même, sous tous les autres rapports, si le terrain a été loué pour bâtir ou pour établir des plantations forestières.
183. Si, lors de l'établissement du droit de superficie sur des constructions et plantations déjà faites, il n'a pas été fait mention de la portion du sol environnant qui en dépendrait comme accessoire, le superficiaire a droit, de chaque côté des constructions, à une portion de sol égale à la moitié de la superficie des bâtiments; s'il s'agit de plantations d'arbres forestiers, il a droit à l'espace que pourraient couvrir les branches arrivées à leur plus grand développement.
184. Si le titre constitutif ne fixe pas la durée du droit de superficie à l'égard des constructions déjà faites, le droit est présumé établi pour un temps égal à la durée desdites constructions, lesquelles ne pourront recevoir de grosses réparations que du consentement du propriétaire du sol.
Si le sol est déjà planté d'arbres forestiers, le droit de superficie est censé établi pour durer jusqu'à l'époque où les arbres seront abattus, ou auront atteint leur plus grand développement utile.
185. Le droit de superficie s'éteint par les mêmes causes que le droit d'emphytéose et de bail.
186. Les constructions et plantations forestières, tant celles établies antérieurement au contrat que celles faites par le superficiaire ne pourront être enlevées par celui-ci que si le propriétaire du sol n'en requiert pas la cession à dire d'experts.
A partir de l'année qui précède la fin du droit de superficie, le superficiaire ne pourra enlever lesdites plantations ou constructions qu'après avoir sommé le propriétaire du fonds d'avoir à déclarer s'il entend user du droit de préemption.
CHAPITRE IV. DE LA POSSESSION.
SECTION PREMIÈRE. DES DIVERSES ESPÈCES DE POSSESSION ET DES CHOSES QUI EN SONT SUSCEPTIBLES.
191. La possession est naturelle ou civile [légale].
192. La possession naturelle est la détention d'une chose corporelle, sans que le détenteur ait aucune prétention à un droit sur cette chose.
Les biens du domaine public ne sont susceptibles que d'une possession naturelle de la part des particuliers.
193. La possession civile est la détention d'une chose corporelle ou l'exercice d'un droit avec l'intention de l'avoir pour soi.
Tous les droits, tant réels que personnels, sont susceptibles de possession civile, avec des effets différents, suivant les cas, tels qu'ils sont déterminés ci-après.
La possession appliquée à l'état civil des personnes est réglée au Livre Ier.
194. La possession civile est dite à juste titre, ou à juste cause, lorsqu'elle est fondée sur un acte juridique destiné par sa nature à conférer le droit possédé, encore que, faute de qualité chez le cédant, elle n'ait, pu produire cet effet.
Si la possession a été usurpée, elle est dite sans titre ou sans cause.
195. La possession à juste titre est dite de bonne foi, lorsque le possesseur a ignoré les vices de son titre;
Elle est dite de mauvaise foi, dans le cas contraire.
L'erreur de droit n'est pas admise pour constituer la bonne foi.
La bonne foi cesse lorsque les vices du titre sont découverts.
196. La possession est dite vicieuse, lorsqu'elle est violente ou clandestine.
Elle est violente, quand elle a été obtenue ou conservée par la force ou la menace.
Elle est clandestine, quand elle ne se révèle pas suffisamment aux intéressés par des actes extérieurs et publics.
La possession cesse d'être vicieuse, lorsqu'elle est devenue paisible, ou lorsqu'elle est devenue publique et notoire.
197. La possession naturelle est dite précaire, lorsque le possesseur détient une chose ou exerce un droit au nom et pour le compte d'autrui.
La possession cesse d'être précaire et devient civile, lorsque le possesseur a commencé à posséder pour lui-même.
Toutefois, lorsque la précarité résulte de la nature du titre sur lequel la possession est fondée, le vice de précarité ne cesse que par une des deux causes ci-après:
1° Par un acte judiciaire ou extrajudiciaire signifié à celui pour le compte duquel la possession avait lieu et contenant une contradiction formelle à ses droits;
2° Par l'interversion du titre provenant d'un tiers et donnant une nouvelle cause à la possession.
198. Le possesseur est toujours présumé posséder pour son propre compte, si le contraire [la précarité] n'est prouvé, soit par son titre, soit par les circonstances du fait.
199. Celui qui prouve posséder en vertu d'un juste titre est présumé posséder de bonne foi, si le contraire n'est prouvé.
200. La possession est présumée paisible, si la violence n'est pas prouvée.
La publicité ne se présume pas, elle doit être prouvée.
SECTION II. DE L'ACQUISITION DE LA POSSESSION.
201. La possession civile s'acquiert par le fait de l'appréhension d'une chose ou par l'exercice effectif d'un droit, avec l'intention d'avoir à soi la propriété de la chose ou le droit exercé.
202. La détention de la chose ou l'exercice du droit peut avoir lieu par le fait d'un tiers; l'intention de posséder doit se rencontrer en la personne de celui qui prétend bénéficier de la possession.
Toutefois, les personnes incapables et les personnes juridiques peuvent bénéficier de la possession, par le fait et l'intention de leur représentant.
203. La prise de possession matérielle peut être remplacée par la tradition de brève main et par le constitut possessoire.
Il y a tradition de brève main, lorsqu'une chose possédée précédemment à titre précaire est laissée au possesseur en vertu d'un nouveau titre qui lui permet de la considérer désormais comme sienne.
Il y a constitut possessoire, lorsque celui qui possédait précédemment une chose comme sienne déclare en conserver désormais la possession au nom et pour le compte d'autrui.
204. La possession se transmet aux héritiers et successeurs universels à l'égard desquels elle continue, avec les qualités et les vices qu'elle pouvait avoir en la personne de leur auteur.
Les acquéreurs à titre particulier d'une chose ou d'un droit peuvent, suivant leur intérêt, ou invoquer seulement leur propre possession, ou se prévaloir de celle de leur cédant, en la joignant à la leur.
SECTION III. DES EFFETS DE LA POSSESSION.
205. Celui qui possède civilement est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir légalement le droit qu'il exerce; en conséquence, il est toujours défendeur aux actions pétitoires ou en revendication relatives à ce droit.
206. Le possesseur qui a juste titre et bonne foi acquiert les fruits et produits naturels et industriels au moment où ils sont séparés du sol, par lui ou en son nom.
Il acquiert les fruits civils jour par jour, comme il est dit pour l'usufruitier.
Le présent avantage cesse pour l'avenir, dès que le possesseur a découvert que la chose ou le droit possédé ne lui appartient pas; il cesse, dans tous les cas, à partir de la demande en justice, si elle triomphe définitivement.
207. Le possesseur de mauvaise foi est tenu de rendre, avec la chose ou le droit revendiqué, les fruits et produits qu'il possède encore en nature et la valeur tant de ceux qu'il a consommés ou laissés se détériorer par sa faute que de ceux qu'il a négligé de percevoir.
Le revendiquant, de son côté, doit lui rembourser les frais et impenses qui sont la charge ordinaire des fruits.
208. Tout possesseur, de bonne ou de mauvaise foi, doit être remboursé, par le revendiquant, des dépenses nécessaires ou faites pour la conservation de la chose et des dépenses utiles ou qui en ont augmenté la valeur; aucun d'eux n'a droit au remboursement des dépenses voluptuaires ou de pur agrément.
209. Dans le cas des deux articles précédents, le possesseur jouit du droit de rétention de la chose, jusqu'à l'entier remboursement des dépenses auxquelles le revendiquant est condammé.
210. A l'égard des dégradations faites à la chose, le possesseur de mauvaise foi est tenu d'en indemniser le propriétaire, dans tous les cas, et le possesseur de bonne foi, seulement s'il en est enrichi.
211. Les conditions sous lesquelles le possesseur peut arriver à la prescription acquisitive ou usucapion de la propriété, tant des meubles que des immeubles, sont réglées au Livre III.
212. Le possesseur a, pour retenir ou recouvrer la possession, les actions possessoires dites en complainte, en dénonciation de nouvel œuvre et en réintégrande, sous les distinctions ci-après.
213. L'action en complainte appartient au possesseur qui éprouve de la part d'un tiers un trouble de fait ou de droit impliquant une prétention contraire à sa possession.
Elle tend à faire cesser le trouble et à le réparer.
Elle appartient au possesseur tant d'un immeuble que d'une universalité de meubles ou d'un meuble particulier.
214. La dénonciation de nouvel œuvre appartient au possesseur d'un immeuble, pour faire cesser des travaux commencés sur un fonds voisin et dont l'achèvement constituerait un trouble à la possession.
215. L'action en complainte et celle en dénonciation de nouvel œuvre n'appartiennent qu'à celui qui a une possession civile, paisible et publique; en outre, pour le possesseur d'immeuble, elle doit avoir duré depuis une année entière.
216. L'action en réintégrande appartient au possesseur qui a été dépossédé, par voies de fait, par menaces ou par ruse, de tout ou partie d'un immeuble, d'une universalité de meubles ou d'un meuble particulier, pourvû que sa possession ne fût pas elle-même entachée d'un des mêmes vices, à l'égard du défendeur.
Elle ne peut être exercée contre ceux qui ont succédé à titre particulier à la possession usurpée que s'ils ont participé aux actes illicites constituant l'usurpation.
Elle appartient tant au possesseur précaire qu'au possesseur civil et à celui dont la possession ne serait pas encore annale.
217. Les actions en complainte et en réintégrande ne sont recevables que dans l'année du trouble ou de la dépossession.
La dénonciation de nouvel œuvre est recevable tant que les travaux contestés ne sont pas terminés, à moins qu'il ne se soit écoulé un an depuis que les travaux, même inachevés, ont causé un trouble au possesseur.
218. Les actions possessoires ne peuvent être cumulées avec l'action pétitoire.
Le juge de l'action possessoire ne peut fonder sa décision sur des motifs tirés du fond du droit des parties et de nature à le préjuger.
Il ne peut non plus surseoir à statuer sur le possessoire jusqu'à ce que les parties aient fait juger le pétitoire.
219. Si l'action pétitoire est intentée par l'une ou l'autre des parties après que l'action possessoire a été portée soit devant le même tribunal soit devant un tribunal différent, il doit être sursis à statuer sur le pétitoire jusqu'au jugement définitif sur le possessoire.
Il en est de même, si le défendeur à l'action pétitoire se porte, au cours du procès, demandeur au possessoire.
220. Celui qui a formé une demande au pétitoire ne peut plus agir au possessoire à raison de faits antérieurs à la première demande, même en s'en désistant; mais, il peut suivre, comme demandeur ou défendeur, sur une demande au possessoire déjà formée.
Dans tous les cas, celui qui a succombé au pétitoire est déchu du droit d'agir au possessoire.
221. Le défendeur, soit à l'action pétitoire, soit à une action possessoire, peut, pendant la même instance, se porter lui-même demandeur au possessoire, reconventionnellement, soit par une action possessoire semblable, soit par une autre.
222. Si l'action possessoire est justifiée, le juge ordonnera, suivant les cas, la cessation du trouble, la discontinuation des travaux dénoncés ou la restitution de la chose usurpée et condamnera en même temps le défendeur aux dommages-intérêts.
223. Le défendeur qui a succombé au possessoire peut agir au pétitoire, mais seulement après avoir satisfait aux condamnations portées contre lui.
Si elles ne sont pas liquidées, il consignera somme suffisante pour y satisfaire.
224. Le demandeur qui a succombé au possessoire, faute de justification des faits allégués, ou dont la demande a été déclarée non recevable, comme tardive, ou parce que sa possession ne remplissait pas les conditions requises, peut encore agir au pétitoire.
225. La compétence et les autres règles relatives aux actions possessoires sont déterminées au Code de procédure civile.
SECTION IV. DE LA PERTE DE LA POSSESSION.
226. La possession se perd:
1° Par la cessation de l'intention de posséder pour soi-même ou pour autrui;
2° Par l'abandon volontaire ou légalement forcé de la détention de la chose ou de l'exercice du droit;
3° Par la prise de possession, même illégale, d'un tiers, lorsqu'elle a duré plus d'une année sans que l'action en complainte ou en réintégrande ait été exercée;
4° Par la destruction totale ou par la perte de la chose ou du droit qui fait l'objet de la possession.
CHAPITRE V. DES SERVITUDES FONCIÈRES.
227. Les servitudes foncières sont des charges établies sur un fonds, pour l'utilité d'un fonds appartenant à un autre propriétaire.
Elles sont établies par la loi ou par le fait de l'homme.
SECTION PREMIÈRE. DES SERVITUDES ÉTABLIES PAR LA LOI.
§ I. DU DROIT D'ACCÈS ET DE PASSAGE SUR LE FONDS VOISIN.
228. Tout propriétaire peut obtenir l'accès sur le fonds voisin, pour la construction et la réparation de ses murs ou bâtiments placés sur la limite des fonds ou à une distance trop rapprochée pour qu'il puisse faire les travaux sur son propre fonds.
229. Sauf le cas d'urgence ou de nécessité absolue, les travaux de construction ou de réparation ne devront pas être faits à l'époque où ils pourraient nuire aux récoltes, ni en cas d'absence momentanée du propriétaire voisin.
Ils ne pourront, en aucun cas, motiver l'accès dans la maison d'habitation du voisin, même contiguë aux bâtiments demandant réparation.
230. Dans tous les cas, le voisin qui donne l'accès pourra obtenir une indemnité mesurée sur le trouble à lui causé, eu égard à la nature et à la durée des travaux exécutés.
231. Si un fonds se trouve enclavé dans un ou plusieurs autres fonds, de telle sorte qu'il ne puisse communiquer avec la voie publique, il devra lui être fourni un passage sur ces fonds, jusqu'à la voie publique, moyennant une juste indemnité.
Un fonds est considéré comme enclavé, quand il n'a de communication qu'avec un canal, même public, avec une rivière ou avec la mer.
232. Le passage fourni devra être assez large pour l'emploi de voitures, si les besoins des habitants ou l'exploitation des fonds le requièrent.
Les travaux d'établissement et d'entretien du passage sont à la charge du fonds enclavé.
233. En cas de désaccord des intéressés sur la fixation du passage, elle sera faite par le tribunal qui conciliera, autant que possible, la commodité de la voie avec le moindre dommage aux fonds traversés.
234. L'indemnité sera fixée en capital, à moins que les parties ou le tribunal n'estiment que, dans un temps plus ou moins prochain, il sera établi une voie publique ou qu'il surviendra tel autre événement qui fera cesser l'enclave; auquel cas, l'indemnité sera réglée en annuités.
Dans ce dernier cas, le passage et l'indemnité cesseront d'être dus, respectivement, dès que l'enclave aura cessé.
Si l'indemnité a été fixée en capital et que l'enclave vienne à cesser, le propriétaire du fonds servant pourra s'affranchir du passage en restituant l'indemnité qu'il a reçue.
235. Lorsque l'indemnité a été réglée à une somme annuelle, soit par les parties, soit par le tribunal, le propriétaire qui en est chargé peut s'en affranchir après 5 ans, en payant un capital représentant vingt fois l'annuité.
Le propriétaire du fonds servant peut aussi demander le même capital, si le débiteur de l'annuité a laissé passer deux années sans la payer, après en avoir été dûment sommé.
236. Si l'enclave résulte de la cession partielle d'un fonds ou d'un partage entre co-propriétaires, le passage est dû sans indemnité par le cédant ou le copartageant et il cesse de même avec la création d'une voie publique faisant cesser l'enclave.
§ II. DE L'ÉCOULEMENT DE L'USAGE ET DE LA CONDUITE DES EAUX.
237. Les propriétaires des fonds inférieurs sont assujettis à recevoir les eaux pluviales ou de source qui découlent naturellement des fonds supérieurs, sans que la main de l'homme y ait contribué.
Si même l'écoulement des eaux a été créé ou modifié par des travaux de main d'homme remontant à plus de trente ans ou à une époque inconnue, la servitude ne peut être contestée.
238. Si, par la rupture de berges, digues ou autres ouvrages destinés à contenir les eaux, ou par des encombrements de ruisseaux ou canaux, il se produit sur le fonds supérieur des débordements qui aggravent l'écoulement ou en modifient la direction, les propriétaires inférieurs peuvent être autorisés à faire les réparations à leurs frais.
Réciproquement, si le cours des eaux se trouve obstrué par accident sur les fonds inférieurs, le propriétaire supérieur peut faire à ses frais les travaux nécessaires pour rétablir l'écoulement normal.
239. Les propriétaires ne peuvent faire ni laisser écouler sur les fonds voisins leurs eaux ménagères, ni des eaux naturelles altérées par l'industrie ou par l'irrigation; sauf ce qui est dit de la servitude d'aqueduc, par l'article 252.
Ils ne peuvent non plus disposer leurs toits ou terrasses de telle façon que l'eau pluviale tombe directement sur le fonds voisin.
240. Le propriétaire d'une source peut en user à son gré et même priver le voisin de l'excédant d'eaux qui s'écoulait naturellement chez celui-ci; sauf ce qui est dit, à la section suivante, de l'acquisition de ces eaux par prescription.
241. Si les eaux de la source sont nécessaires aux usages domestiques des habitants d'une commune ou hameau, le propriétaire est tenu de laisser s'écouler la portion de ces eaux qui ne lui est pas utile.
La commune pourra même faire exécuter sur le fonds les travaux nécessaires à la réunion et à la conduite des eaux, pourvû qu'ils ne causent pas de dommage permanent au fonds et moyennant indemnité.
La commune devra, en outre, une indemnité pour l'usage des eaux, s'il n'a pas été déjà exercé gratuitement pendant trente ans.
242. Dans les autres cas, si l'excédant des eaux d'une source privée se perd au dehors, sans profiter à personne, le plus proche voisin de sortie desdites eaux peut réclamer la faculté de les amener chez lui, précairement, en faisant les travaux nécessaires, comme il est dit à l'article précédent.
243. Celui dont la propriété est contiguë à une eau courante ne faisant pas partie du domaine public, d'après l'article 24, et n'appartenant pas non plus à un particulier, peut en user à son passage, pour les usages domestiques, pour l'irrigation de ses terres ou pour son industrie; mais sans en modifier le cours.
Si, au contraire, un fonds est traversé par une eau de la même nature, le propriétaire peut en dériver le cours dans l'intérieur de son fonds, pour les mêmes besoins; mais, à la charge de la rendre à son cours naturel, à la sortie de son fonds.
Dans l'un et l'autre cas, les riverains ont le droit de pêche, en se conformant aux règlements locaux.
244. Dans les deux cas prévus à l'article précédent, s'il y a contestation de la part des propriétaires inférieurs auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux civils statueront, en tenant compte des usages locaux et en conciliant les besoins de l'hygiène domestique avec les intérêts de l'agriculture et de l'industrie.
245. Au surplus, la police générale des eaux de la nature qui précède appartient à l'autorité préfectorale, laquelle peut prescrire les mesures nécessaires, tant pour leur libre écoulement que pour leur conservation ou pour celle du poisson.
246. Le curage desdits cours d'eau est à la charge des riverains qui peuvent se concerter et même s'associer à cet effet.
A défaut par eux de procéder au curage, aux époques déterminées par l'autorité locale, il y sera procédé, par celle-ci, à leurs frais.
Le recouvrement de la part contributoire de chacun se fera de la même manière que pour les autres contributions locales.
247. Un riverain ne peut élever de digues de son côté, s'il en doit résulter un dommage pour le riverain opposé.
Si un endiguement reconnu nécessaire intéresse plusieurs riverains et s'ils ne se concertent pas pour l'exécuter, il pourra y être procédé par l'autorité locale, aux frais des intéressés, comme il est dit ci-dessus.
248. Les dispositions des cinq articles précédents sont applicables aux lacs ou étangs se trouvant dans les mêmes conditions.
249. L'usage et la police des eaux faisant partie du domaine public général ou local sont réglés par l'autorité supérieure ou préfectorale, conformément aux lois administratives.
250. Tout propriétaire qui a le droit d'user d'eaux naturelles ou artificielles situées en dehors de son fonds, peut en exiger, moyennant indemnité, le passage à travers les fonds intermédiaires supérieurs, soit pour l'irrigation, soit pour les usages industriels ou domestiques.
251. La disposition qui précède s'applique aux prises d'eau concédées par l'administration, quelle que soit leur durée, et à celles faites par les particuliers, soit pour la vie du concessionnaire, soit pour un temps fixe, s'il doit durer encore dix ans au moins, au moment où le passage est réclamé.
252. Pareillement, les propriétaires des fonds inférieurs sont tenus de fournir le passage, soit jusqu'à la voie publique, soit jusqu'à un égoût ou un cours d'eau public, pour l'écoulement des eaux provenant du drainage ou de l'asséchement des terres submergées, et pour l'évacuation des eaux surabondantes, après leur usage agricole, industriel ou domestique.
Si les eaux pour lesquelles le passage est réclamé sont altérées par les usages domestiques ou industriels, le passage ne pourra être exigé que souterrainement.
253. Le passage sera pris, autant que possible, dans les lieux les moins dommageables aux fonds servants.
Dans aucun cas, il ne pourra être exigé à travers les bâtiments, ni les cours ou jardins attenant aux habitations.
254. Dans tous les cas, l'établissement et l'entretien des travaux nécessaires au passage des eaux seront exécutés aux frais du propriétaire dans l'intérêt duquel ils sont faits.
255. Le propriétaire du fonds servant peut exiger que le passage des eaux, soit pour l'arrivée, soit pour la sortie, se fasse, en tout ou en partie, dans les canaux déjà existant sur son fonds, si leurs dimensions le permettent et si les eaux qui y passent déjà ne sont pas de nature à nuire à celles destinées au fonds dominant.
Réciproquement, il peut demander à se servir, pour le passage de ses eaux, des ouvrages faits sur son fonds par le propriétaire du fonds dominant.
Dans l'un et l'autre cas, celui qui use des ouvrages faits par l'autre contribue aux dépenses d'établissement et d'entretien, proportionnellement à son intérêt.
256. Si un propriétaire ayant le droit d'user d'une eau courante, conformément au 1er alinéa de l'article 243, a besoin d'élever les eaux par un barrage, il peut l'appuyer sur la rive opposée, moyennant une indemnité.
Si le propriétaire qui n'a pas fait le barrage a le droit d'user des mêmes eaux, il peut utiliser ledit barrage à son profit, en participant à la dépense, comme il est dit à l'article précédent.
§ III. DU BORNAGE.
257. Tous propriétaires voisins peuvent se contraindre respectivement à la délimitation de leurs propriétés contiguës, au moyen de pierres ou poteaux-bornes portant un signe indicatif approprié, d'après l'usage des lieux.
258. L'action en bornage n'a pas lieu pour les bâtiments, ni pour les terrains enclos de murs en maçonnerie ou en charpente (hei, nérib-hei, yaraï).
Elle n'a pas lieu non plus pour les terrains séparés l'un de l'autre par un chemin ou un cours d'eau publics.
259. L'action en bornage est imprescriptible, tant que les fonds contigus n'ont pas été délimités, soit à l'amiable, soit judiciairement.
Néanmoins, si l'un des voisins se prévaut de la prescription acquisitive ou seulement d'une possession annale de tout ou partie du terrain à l'égard duquel le bornage est réclamé, le demandeur devra préalablement agir en réintégrande ou en revendication.
260. Hors les cas qui précèdent, si les limites sont incertaines ou contestées, le bornage se fait d'après la contenance et les limites portées aux titres de propriété ou, à défaut de titres, d'après les autres preuves ou documents qui peuvent les suppléer.
S'il y a contestation sur le droit de propriété, il est statué préalablement à cet égard par le tribunal compétent.
261. Dans le cas où ce qui manque à l'un des voisins ne serait pas possédé par l'autre, il y a lieu de mettre en cause les arrière-voisins jusqu'aux limites non contestées; il est alors procédé, contradictoirement avec tous, au bornage commun.
S'il se trouve, sur la totalité des fonds, un excédant ou une insuffisance de contenance, le profit ou la perte se répartissent entre tous les fonds, proportionnellement à leur étendue.
262. Le retranchement à opérer en vertu de l'article précédent se fera par voie d'indemnité à fournir, lorsque, pour l'opérer en nature, il serait nécessaire d'entamer des bâtiments ou des enclos tels qu'ils sont prévus à l'article 258.
263. Si le bornage est fait à l'amiable entre toutes les parties intéressées, il en est dressé acte en telle forme qu'elles jugent à propos et ledit acte vaut titre définitif pour et contre elles, quant à la contenance et aux limites respectives de leurs fonds.
A défaut d'accord mutuel, il est rendu un jugement déterminant lesdites contenances et limites, avec plan annexé; les bornes y sont indiquées avec la mention de leur distance, tant entre elles que par rapport à des points fixes de la localité.
264. Le coût et la pose des pierres ou poteaux-bornes sont, par portions égales, à la charge des voisins auxquels ils servent de limite.
Les frais d'arpentage et ceux d'actes ou de procédure sont supportés par tous les intéressés, proportionnellement à l'étendue de leurs fonds.
Toutefois, les frais de procédure spécialement relatifs à une contestation jugée mal fondée sont à la charge de la partie perdante.
265. La compétence et les autres formes de l'action en bornage sont réglées par le Code de procédure civile.
§ IV. DE LA CLÔTURE.
266. Tout propriétaire peut clore son fonds à la hauteur et avec les matériaux qu'il juge à propos.
Toutefois, si le fonds est soumis à une servitude légale ou du fait de l'homme autorisant l'entrée ou le passage du voisin, la faculté d'exercer la servitude doit être ménagée.
267. Dans les villes de plus de 10,000 habitants, tout propriétaire peut contraindre son voisin à contribuer à la clôture des fonds contigus.
La clôture pourra également être exigée dans les autres communes, villages ou hameaux, pour les terrains formant cours ou jardins situés entre les bâtiments d'habitation ou d'exploitation agricole ou industrielle.
Si la clôture a été faite et terminée par l'un des voisins, sans qu'il ait mis l'autre en demeure d'y contribuer, il ne pourra exiger la participation de celui-ci à la dépense.
268. La clôture pourra être exigée en planches et charpentes dans les villes désignées au premier alinéa de l'article précédent, et seulement en bambous juxtaposés dans les autres lieux.
La hauteur sera de sept pieds en tous lieux. Elle se calculera à partir de la superficie du sol le plus élevé, et sera assise sur le fonds inférieur.
269. L'entretien et la réparation se feront à frais communs et pour moitié par chacun.
Néanmoins, si l'un des voisins croit dans son intérêt de faire une clôture en matériaux autres ou à une plus grande hauteur que ce qui est prescrit ci-dessus il en aura toujours la faculté, en payant seul la différence du prix de construction; dans ce cas, l'entretien et la réparation seront à sa charge exclusive.
§ V. DE LA MITOYENNETÉ.
270. Lorsqu'une clôture, de quelque nature qu'elle soit, a été faite à frais communs et sur la ligne séparative des fonds, soit en vertu de l'obligation déterminée au paragraphe précédent, soit volontairement et d'un commun accord, elle appartient par indivis, avec le sol qui la supporte, à chacun des voisins et est dite mitoyenne.
Il en est de même des murs en pierre ou en maçonnerie séparant les bâtiments respectifs des voisins, des fossés creusés ou des haies, vives ou sèches, plantées à frais communs sur la ligne divisoire des terrains contigus.
271. Toute clôture ou séparation de terrains ou de bâtiments, de quelque nature et en quelque lieu qu'elle soit, est présumée mitoyenne, comme ayant été faite à frais communs et sur la ligne divisoire, s'il n'y a preuve du contraire en faveur d'un seul des voisins, soit par titre, soit par prescription de trente ans, ou par un des signes matériels, désignés ci-après, auxquels la loi attache la présomption de non-mitoyenneté.
272. A défaut de titre ou de prescription établissant la propriété exclusive d'un des voisins, les signes de non-mitoyenneté, à l'égard des terrains, sont:
1° Pour les clôtures en planches ou en bambous, la circonstance que les poteaux de soutènement sont exclusivement d'un seul côté;
2° Pour les murs en pierre, en briques ou en maçonnerie, l'existence sur un seul côté, soit d'un plan incliné pour l'écoulement de l'eau pluviale, soit de saillies, ouvertures, enfoncements, ouvrages ou ornements quelconques;
3° Pour les fossés, le rejet de la terre d'un seul côté;
4° Pour les haies vives ou sèches la circonstance qu'un seul des fonds est clos de tous côtés.
Dans ces quatre cas, la propriété exclusive est présumée appartenir à celui des voisins du côté duquel sont les ouvrages particuliers ou qui est seul entièrement clos.
273. S'il s'agit d'un mur, soit en pierre ou en maçonnerie, soit en charpente séparant deux bâtiments d'inégale hauteur, la présomption de mitoyenneté cesse pour la partie dont le mur le plus élevé excède l'autre bâtiment.
La présomption n'a lieu pour aucune partie, si le mur ne soutient qu'un seul bâtiment.
274. S'il se rencontre, tout à la fois, dans une même clôture ou autre ouvrage séparatif de deux fonds, des signes de mitoyenneté et de non mitoyenneté, les tribunaux apprécieront, d'après les circonstances, si la propriété est commune aux deux voisins ou exclusive pour un seul.
275. L'entretien et la réparation de la séparation mitoyenne sont à la charge des co-propriétaires, par égale portion, à moins que les dégradations ne proviennent du fait d'un seul.
Toutefois, s'il ne s'agit pas des clôtures obligatoires d'après l'article 266, chacun peut se soustraire à la charge de l'entretien, en renonçant au droit de mitoyenneté, sauf à payer les réparations nécessitées par son fait.
276. Dans le cas de mitoyenneté, chacun des voisins peut user de la séparation mitoyenne, suivant sa nature et sa destination, de façon toutefois à ne pas en compromettre la solidité.
Chacun peut appuyer un bâtiment au mur mitoyen, en y enfonçant des poutres jusqu'aux trois-quarts de son épaisseur, en y adossant une cheminée ou en y faisant passer des tuyaux pour la fumée, l'eau ou le gaz, ou pour les autres usages industriels ou domestiques, si la nature et l'épaisseur du mur le permettent; mais, il ne peut y pratiquer d'ouvertures, ni même de simples enfoncements pour l'usage des appartements.
Tout co-propriétaire peut aussi surélever le mur mitoyen, si la solidité du mur le permet, ou en faisant à ses frais les travaux de confortation; dans ce cas, la partie surélevée n'est pas mitoyenne.
S'il s'agit d'un fossé mitoyen, chacun des voisins peut y conduire les eaux pluviales, industrielles ou ménagères, si le fossé a une pente suffisante pour éviter une stagnation nuisible.
S'il s'agit d'une haie vive, chacun profite pour moitié de la taille et peut demander l'abattage des arbres à haute tige qui s'y trouveraient.
277. Si un mur de séparation, en pierres, en briques ou en maçonnerie, a été construit par un seul des voisins, l'autre peut toujours en acquérir la mitoyenneté, en tout ou partie, en payant la moitié de la valeur du terrain, des matériaux et de la main-d'œuvre, au prix qu'ils valent alors.
Il en est de même pour l'exhaussement du mur opéré conformément au 3e alinéa de l'article précédent.
Celui qui a ainsi acquis la mitoyenneté d'un mur peut en user comme il est dit à l'article précédent; mais, il ne peut faire fermer les ouvertures qui s'y trouvent, si elles ont été établies comme servitudes de vue par le fait de l'homme.
La présente disposition n'est pas applicable aux Kura ou Do-zoo (godown).
§ VI. DES VUES ET DES JOURS DE TOLÉRANCE SUR LA PROPRIÉTÉ D'AUTRUI.
278. Les bâtiments ne pourront avoir de vues droites ou directes sur la propriété d'autrui, au moyen de fenêtres d'aspect, balcons ou vérandas (engawa), s'il n'y a une distance d'au moins trois pieds de la ligne séparative des deux fonds.
Est considérée comme vue droite celle qui s'obtient d'une ouverture parallèle à la ligne séparative ou qui ne s'écarte de la parallèle que d'un angle de 45 degrés (1/8e du cercle).
Les autres vues, dites obliques ou par côté, obtenues par un angle de 46 à 90 degrés, pourront être établies à un pied de la ligne séparative.
La distance se calcule, dans les deux cas, entre la ligne séparative et la partie la plus avancée des ouvrages donnant la vue.
279. Si la distance prescrite à l'article précédent ne peut être observée sans inconvénients, les ouvertures devront être masquées par un auvent, sans toutefois que ledit auvent puisse avancer au-dessus de la ligne séparative.
En cas d'impossibilité d'établir un auvent, il ne pourra être pratiqué que des jours dits de tolérance, dont la partie inférieure sera à six pieds au moins au-dessus du plancher, avec chassis grillagé, en fer ou en bois, dont les mailles auront un pouce d'écartement au plus.
Le propriétaire voisin pourra même, dans ce cas, exiger un auvent, s'il consent à ce que ledit auvent excède la ligne séparative d'un pied au moins.
280. Les restrictions apportées par les deux articles précédents à la liberté des vues ou jours cessent lorsque la partie du fonds voisin faisant face aux constructions est elle-même une construction sans ouvertures.
§ VII. DES DISTANCES REQUISES POUR CERTAINS OUVRAGES.
281. Le propriétaire qui veut creuser dans son fonds, soit un puits ou une citerne, soit une fosse pour recevoir des eaux ménagères ou des matières stercorales, doit laisser une distance d'au moins six pieds de la ligne séparative; sans préjudice des travaux nécessaires pour empêcher l'éboulement des terres ou les infiltrations.
La distance sera réduite à trois pieds, s'il s'agit d'une cave sèche et couverte.
S'il ne s'agit que d'une rigole, d'un caniveau ou d'un simple fossé, destinés au passage des eaux, la distance devra être égale à la moitié au moins de leur profondeur, sans qu'elle doive néanmoins excéder six pieds; le fossé devra, en outre, être taillé en talus du côté de la ligne séparative ou soutenu par un revêtement en pierre ou en bois.
282. Il n'est pas permis de planter ou d'avoir à une distance moindre de six pieds de la ligne séparative des arbres ayant plus de trois kens de hauteur.
Les arbres ayant moins de trois kens et plus d'un ken de hauteur devront être à la distance de trois pieds.
Les autres arbres, arbustes ou arbrisseaux pourront joindre immédiatement la ligne séparative.
Dans tous les cas, le voisin pourra requérir le propriétaire desdits arbres d'élaguer les branches qui dépasseraient la ligne séparative; il pourra lui-même couper les racines qui pénétreraient dans son fonds.
283. Les dispositions des deux articles précédents ne sont pas obligatoires s'il existe des usages locaux différents, anciens et non contestés, lesquels seront observés.
Elles sont d'ailleurs applicables, lors même que la séparation des deux fonds serait mitoyenne; en outre, s'il se trouve dans une haie mitoyenne des arbres à haute tige, chacun des voisins peut en exiger la suppression.
284. Les conditions requises, dans l'intérêt du voisinage, pour l'exercice des industries dangereuses, insalubres ou incommodes, sont déterminées par les lois administratives.
DISPOSITION COMMUNE AUX SEPT PARAGRAPHES PRÉCÉDENTS.
285. Les charges et conditions imposées aux propriétaires par la présente Section sont applicables, activement et passivement, à l'Etat, aux départements et aux communes, pour leurs biens privés ou patrimoniaux.
Elles ne s'appliquent pas, passivement, aux biens du domaine public, mais elles leur profitent.
SECTION II. DES SERVITUDES ÉTABLIES PAR LE FAIT DE L'HOMME.
§ 1er. DE LA NATURE DES SERVITUDES ET DE LEURS DIVERSES ESPÈCES.
286. Les propriétaires voisins peuvent établir toutes espèces de servitudes foncières, au profit et à la charge de leurs fonds, respectivement, pourvû qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public.
Ne sont pas considérées comme servitudes foncières les charges qui exigent, principalement, le travail individuel d'un propriétaire ou de quelque personne placée sur son fonds, ni celles qui profitent, principalement, à la personne d'un propriétaire ou à ceux qu'il se substitue: les premières peuvent valoir comme droits personnels à des services, les secondes, comme droits réels d'usage ou de bail.
287. Les servitudes foncières restent attachées accessoirement aux fonds, tant activement que passivement, en quelques mains qu'ils passent.
Elles sont indivisibles, en ce sens que si les fonds appartiennent à plusieurs par indivis, l'un d'eux ne peut, pour sa part, priver le fonds dominant de la servitude, ni en affranchir le fonds servant.
De même, en cas de partage ou de cession partielle des fonds, elles affectent indivisiblement chaque partie du fonds servant ou profitent à chaque partie du fonds dominant; sauf le cas où elles ne pourraient s'exercer utilement que sur une partie du fonds servant ou ne procureraient d'avantage qu'à une partie du fonds dominant.
288. Les servitudes actives ne peuvent être cédées, louées ni hypothéquées séparément du fonds dominant; elles ne peuvent non plus être grevées d'une autre servitude.
289. Le propriétaire du fonds dominant peut exercer les actions CONFESSOIRES, tant possessoires que pétitoires, au sujet des servitudes qu'il soutient lui appartenir;
Réciproquement, le propriétaire du fonds prétendu servant peut exercer les actions NÉGATOIRES, tant possessoires que pétitoires, pour faire cesser l'exercice des servitudes qu'il conteste.
Dans l'un et l'autre cas, seront observées les règles et distinctions établies au Chapitre de la Possession.
Les droits, actions et obligations de l'usufruitier et du preneur à bail, au sujet des servitudes, sont établis aux articles 69, 70 et 96, 144 et 151.
290. Les dispositions des trois articles précédents sont applicables aux servitudes établies par la loi.
291. Les servitudes sont:
1° continues ou discontinues,
2° apparentes ou non apparentes,
3° positives ou négatives.
Les unes et les autres s'établissent, s'exercent et s'éteignent conformément aux trois paragraphes ci-après.
292. Les servitudes sont continues lorsqu'elles procurent au fonds dominant une utilité permanente ou grèvent sans interruption le fonds servant, par la seule disposition des lieux et sans qu'il soit besoin de la coopération de l'homme.
Elles sont discontinues, lorsque, pour être utiles au fonds dominant, elles ont besoins du fait actuel de l'homme.
293. Les servitudes sont apparentes, lorsqu'elles se révèlent par des ouvrages extérieurs ou par des signes visibles.
Elles sont non apparentes, dans le cas contraire.
294. Les servitudes sont positives:
1° Lorsqu'elles autorisent le propriétaire d'un fonds à tirer quelque avantage du fonds d'autrui;
2° Lorsqu'elles l'autorisent à faire sur son propre fonds quelque ouvrage que la loi interdit, en général, dans l'intérêt des voisins.
Elles sont négatives:
1° Lorsque le propriétaire d'un fonds peut interdire au voisin de faire, sur son fonds propre, un des actes permis, en général, aux propriétaires;
2° Lorsqu'un propriétaire peut s'abstenir de faire ou de souffrir sur son propre fonds un des actes que le droit commun ordonne d'y accomplir ou d'y permettre dans l'intérêt des voisins.
§ II. DE L'ÉTABLISSEMENT DES SERVITUDES.
295. Toutes les servitudes peuvent être établies par convention entre les propriétaires ou par testament.
Dans l'un et l'autre cas seront observées les règles ordinaires des aliénations de droits réels immobiliers, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, pour leur validité, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers.
296. Les servitudes continues et apparentes peuvent être acquises par la prescription, au moyen d'une possession de la nature et de la durée requises pour l'acquisition de la propriété immobilière.
297. Les servitudes continues et apparentes sont considérées comme tacitement établies par la destination du propriétaire, lorsque deux fonds, actuellement séparés, ayant primitivement appartenu à un seul propriétaire, celui-ci avait établi ou laissé subsister entre eux une disposition des lieux constitutive de cette sorte de servitude, et que, lors de la séparation des fonds, il n'a été rien fait ni stipulé qui modifie cet état de choses.
298. Les servitudes discontinues et les servitudes non apparentes ne peuvent être établies que par l'un des deux titres prévus à l'article 295.
299. Le propriétaire du fonds prétendu dominant sera dispensé de représenter un titre originaire constitutif de la servitude ou d'en prouver directement l'acquisition par prescription ou par destination du père de famille, s'il peut produire un acte émanant du propriétaire du fonds servant ou de l'un de ses prédécesseurs et portant reconnaissance de la servitude, comme constituée antérieurement par l'un des trois modes ci-dessus énoncés.
§ III. DE L'EFFET DES SERVITUDES.
300. Le droit de servitude légalement acquis emporte les droits et facultés accessoires nécessaires à son exercice, d'après sa nature.
Au surplus, si la servitude a été établie par titre, les règles générales sur l'interprétation des conventions ou des testaments seront observées; si elle a été acquise par la prescription, son étendue se mesure sur celle de la possession effective; si la servitude résulte de la destination du propriétaire, son étendue se détermine d'après l'intention présumée du constituant.
301. Dans le cas d'une servitude de passage, de prise d'eau, continue ou discontinue, de pacage ou autre, permettant de tirer des substances du fonds d'autrui, si le titre constitutif ou une convention postérieure ne détermine pas les quantités qui pourront être prises, ni le temps, le lieu ou le mode d'exercice de la servitude, chacune des parties pourra toujours demander au tribunal de les fixer contradictoirement avec l'autre.
Dans ce règlement, le tribunal tiendra compte des besoins respectifs des deux fonds et s'éclairera des résultats de l'exercice antérieur de la servitude.
302. Le propriétaire du fonds assujetti à une prise d'eau n'est responsable du manque d'eau que si elle résulte de son fait.
En cas d'insuffisance de l'eau pour les besoins des deux fonds, la priorité appartient aux usages personnels et domestiques, ensuite, aux besoins agricoles avant les besoins industriels; le tout, proportionnellement à l'importance des fonds.
S'il y a plusieurs fonds dominants, ils concourront à l'usage de l'eau pour les besoins domestiques; à l'égard des besoins agricoles et industriels, la préférence appartiendra à celui des fonds dont le droit est antérieur en date.
303. Celui auquel appartient une servitude ne peut changer le mode, le temps ni le lieu de son exercice régulièrement fixés, sans le consentement du propriétaire du fonds servant, à moins que celui-ci n'en doive éprouver aucun dommage.
De son côté, si le propriétaire du fonds servant a un intérêt légitime à un pareil changement, sans que le propriétaire du fonds dominant en épreuve aucun dommage, il peut le demander et l'obtenir.
304. Si l'établissement de la servitude nécessite certains ouvrages ou travaux sur l'un des deux fonds, ils seront à la charge du propriétaire du fonds dominant, à moins qu'il n'ait été stipulé dans l'acte constitutif qu'ils seront à la charge du constituant.
305. L'entretien et la réparation des ouvrages ou travaux relatifs à l'exercice de la servitude sont également à la charge du propriétaire du fonds dominant, à moins que les réparations ne soient devenues nécessaires par la faute du propriétaire du fonds servant.
On peut aussi convenir que l'entretien et la réparation servant à la charge du propriétaire du fonds servant, même sans qu'il y ait faute de sa part; mais, dans ce cas, celui-ci pourra toujours s'affranchir de ladite charge en abandonnant au propriétaire du fonds dominant la partie du fonds sur laquelle porte la servitude.
306. Le propriétaire du fonds servant ne perd pas le droit d'exercer toutes les facultés légales inhérentes à la propriété, en tant qu'il n'en résulte aucun obstacle à la servitude ni aucune diminution de son utilité.
Il peut même utiliser les ouvrages établis sur son fonds pour l'exercice de la servitude, en contribuant aux dépenses d'établissement ou d'entretien, proportionnellement à l'utilité respective qu'il en tire et à l'aggravation de frais qui en peut résulter.
§ IV. DE L'EXTINCTION DES SERVITUDES.
307. Les servitudes s'éteignent:
1° par l'expiration du laps de temps pour lequel elles ont été constituées,
2° par la révocation, la résolution ou la rescision du titre constitutif ou des droits du constituant,
3° par l'expropriation pour cause d'utilité publique,
4° par la renonciation,
5° par la confusion,
6° par le non-usage pendant trente ans,
7° par la prescription acquisitive de la liberté du fonds servant au profit d'un tiers-acquéreur.
308. La renonciation à la servitude doit être expresse; toutefois, si les ouvrages exécutés sur le fonds servant pour l'exercice d'une servitude continue ont été détruits ou mis hors d'usage, du consentement exprès du propriétaire du fonds dominant et sans réserves pour l'avenir, la servitude est réputée éteinte par renonciation.
La renonciation n'est valable que si le renonçant a la capacité d'aliéner ses droits immobiliers.
309. La servitude est éteinte par confusion, lorsque le fonds dominant et le fonds servant sont réunis dans les mêmes mains; toutefois, si l'acte qui a opéré la réunion du fonds est judiciairement révoqué, résolu ou annulé, la servitude est considérée comme n'ayant jamais été éteinte.
S'il s'agit d'une servitude continue et apparente et que, la disposition des lieux étant restée la même, les fonds soient de nouveau séparés à une époque quelconque et par quelque cause que ce soit, la servitude renaît, conformément à l'article 297.
310. La servitude est éteinte par le non-usage, lorsque le propriétaire du fonds dominant a, volontairement, ou non, laissé écouler trente ans sans exercer la servitude.
Les trente ans se comptent à partir du dernier acte d'usage, s'il s'agit d'une servitude discontinue et à partir du moment où il est survenu un obstacle matériel au fonctionnement spontané de la servitude, si elle est continue.
Dans l'un et l'autre cas, si l'obstacle à l'usage de la servitude provient d'un accident arrivé sur le fonds servant, le propriétaire du fonds dominant peut se faire autoriser à rétablir, à ses frais, l'ancien état de choses; le rétablissement se fera aux frais du propriétaire du fonds servant, si l'obstacle provient de son fait.
311. Si le fonds dominant est indivis entre plusieurs, l'exercice de la servitude par un seul des co-propriétaires conserve le droit des autres.
Au surplus, les causes qui suspendent ou interrompent le cours de la prescription libératoire sont applicables au non-usage des servitudes.
312. La servitude est éteinte par prescription, lorsque le fonds servant a été acquis et possédé par un tiers comme libre de la servitude et que celle-ci n'a pas été exercée pendant le temps requis pour la prescription des droits immobiliers.
313. L'étendue des avantages conférés par la servitude peut être diminuée quant au mode, quant au temps et quant au lieu de son exercice, par l'effet du non-usage ou de la prescription.
LIVRE DEUXIÈME.
DEUXIÈME PARTIE. DES DROITS PERSONNELS OU DE CRÉANCE ET DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL.
DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.
314. Le droit personnel ou de créance, tel qu'il est défini à l'article 3, est toujours corrélatif à une Obligation.
L'obligation est un lien de droit positif ou naturel qui astreint une personne à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose, envers une ou plusieurs autres personnes déterminées.
Celui qui est obligé s'appelle débiteur; celui au profit duquel l'obligation existe s'appele créancier.
315. Les obligations de droit positif ou civiles sont celles à l'exécution desquelles le débiteur peut être contraint par toutes les voies de droit et d'autorité: spécialement par voie d'action en justice.
Les obligations naturelles n'engendrent pas d'action judiciaire: leurs effets sont réglés en Appendice à la présente Deuxième Partie.
La loi n'intervient pas dans l'exécution des obligations purement morales, ni dans l'observation des devoirs religieux.
CHAPITRE PREMIER. DES CAUSES OU SOURCES DES OBLIGATIONS.
316. Les obligations naissent:
1° des conventions et des contrats,
2° d'un enrichissement indû ou sans cause légitime,
3° d'un dommage injuste, causé volontairement ou par imprudence,
4° des dispositions de la loi.
SECTION PREMIÈRE. DES CONVENTIONS ET DÉS CONTRATS.
317. La convention est l'accord de deux ou plusieurs volontés, dans le but de créer, de modifier ou d'éteindre un droit, soit réel, soit personnel.
La convention prend le nom particulier de contrat, lorsqu'elle a pour objet principal la création d'un droit personnel ou une obligation.
§ 1er. DES DIVERSES ESPÈCES DE CONVENTIONS OU CONTRATS.
318. Les contrats sont bilatéraux ou unilatéraux.
Le contrat est bilatéral ou synallagmatique, lorsque les parties s'obligent l'une envers l'autre (réciproquement);
Il est unilatéral, lorsqu'une ou plusieurs parties s'obligent envers une ou plusieurs autres, sans réciprocité.
319. Les contrats sont à titre onéreux au à titre gratuit.
Le contrat est à titre onéreux ou intéressé quand chacune des parties fait un sacrifice en faveur de l'autre ou en faveur d'un tiers;
Il est à titre gratuit ou de bienfaisance, quand l'une des parties reçoit un avantage de l'autre, sans en fournir un, de son côté.
320. Les contrats sont consensuels ou réels.
Le contrat est consensuel, quand il n'exige pour sa formation que le consentement des parties;
Il est réel, quand il exige, outre le consentement, la livraison de la chose qui en fait l'objet.
321. Les contrats sont solennels ou non solennels.
Le contrat est solennel, quand le consentement doit y être donné dans un acte public ou authentique.
Il est non solennel dans tous les autres cas.
322. Les contrats sont fermes ou aléatoires.
Le contrat est ferme, lorsque, dès la convention, son existence et ses effets sont certains;
Il est aléatoire, lorsque son existence ou tout ou partie de ses effets sont subordonnés à un évênement qui dépend du hasard.
323. Les contrats sont principaux ou accessoires.
Le contrat est principal, lorsque son existence est indépendante de celle d'un autre contrat;
Il est accessoire dans le cas contraire.
La nullité du contrat principal entraîne celle du contrat accessoire, à moins que le contrat accessoire n'ait eu pour but de suppléer à la nullité du principal.
La nullité du contrat accessoire n'entraîne celle du contrat principal que si les parties avaient considéré les deux contrats comme indivisibles.
324. Les contrats sont nommés ou innommés.
Les contrat nommés sont ceux qui ont une dénomination propre et sont l'objet de dispositions particulières dans le présent Code ou dans le Code de Commerce; ils sont aussi régis par les règles de la présente IIe Partie, pour tous les cas à l'égard desquels il n'est pas autrement statué par les dispositions qui les concernent.
Les contrats innommés sont soumis aux présentes règles générales; les règles particulières des contrats nommés peuvent aussi être appliquées aux contrats innommés qui ont le plus d'analogie avec les premiers.
§ II. DES CONDITIONS D'EXISTENCE ET DE VALIDITÉ DES CONVENTIONS.
325. Trois conditions sont nécessaires à l'existence des conventions en général:
1° Le consentement des parties ou de leur représentant,
2° Un objet certain et dont les parties aient la disposition,
3° Une cause vraie et licite.
Les conventions ou contrats solennels n'existent que si, en outre, la solennité requise a été observée.
326. Indépendamment des conditions nécessaires à l'existence de la convention, deux conditions sont requises pour sa validité:
1° L'absence d'erreur ou de violence viciant le consentement,
2° La capacité des parties ou leur valable représentation.
La lésion ne vicie les conventions que dans les cas déterminés par la loi.
327. Le consentement est l'accord des volontés de toutes les parties qui figurent dans la convention comme intéressées.
Le défaut de consentement de l'une d'elles empêche la convention de se former, même entre les autres; à moins qu'il n'y ait preuve d'une intention différente.
328. Le consentement peut être donné par écrit, verbalement ou même par signe; pourvû, dans ce dernier cas, qu'il y ait eu obstacle à une autre forme d'adhésion et qu'il y ait preuve certaine de la volonté parfaite de la partie.
Le consentement peut aussi être tacite, d'après les circonstances.
329. Le consentement peut être donné postérieurement à une offre ou proposition, pourvû que celle-ci n'ait pas été rétractée auparavant.
Réciproquement, l'offre peut être rétractée tant que le consentement n'a pas été donné.
Dans l'un et l'autre cas, on ne doit considérer que les dates comparatives de l'acceptation et de la rétraction, indépendamment de la connaissance respective qu'en ont eue les parties.
Les offres tombent de plein droit, si, avant l'acceptation, l'une des parties vient à mourir ou est frappée d'incapacité de contracter.
330. Il n'y a pas de consentement, lorsque, par suite d'une erreur, les parties n'ont pas entendu faire la même convention, ou n'ont pas eu en vue le même objet ou la même cause.
L'erreur sur le motif de la convention n'est jamais, par elle-même, une cause de nullité, sauf ce qui sera dit à l'égard du dol pratiqué par l'une des parties.
L'erreur sur la personne du co-contractant entraîne la nullité absolue de la convention, lorsque la considération de la personne en a été la cause déterminante, comme dans le contrat de bienfaisance.
331. La convention est seulement annulable, pour erreur sur la personne, si la considération de celle-ci n'a été qu'une cause secondaire de la convention, comme dans les contrats à titre onéreux qui entraînent le risque de l'insolvabilité du débiteur ou exigent des qualités personnelles.
332. L'erreur sur la chose vicie seulement le consentement, lorsqu'elle porte sur une ou plusieurs des qualités PRINCIPALES que la partie a crues exister dans la chose et qui ont contribué à la déterminer à stipuler ou à promettre, à acquérir ou aliéner cette chose.
Les qualités substantielles des choses sont présumées, jusqu'à preuve contraire, avoir été considérées comme qualités principales, dans l'intention des parties.
Les qualités non-substantielles, au contraire, ne sont considérées comme principales que si l'intention des parties a été exprimée à cet égard ou résulte clairement des circonstances.
Il en est de même des qualités abstraites ou métaphysiques des choses, telles que leur ancienneté, leur provenance ou leur destination.
332 bis. L'erreur de droit exclut ou vicie le consentement, comme l'erreur de fait, si elle a porté, soit sur la nature, sur les effets légaux ou sur la cause de la convention, soit sur les qualités légales de la chose ou de la personne, lorsqu'elles ont été déterminantes.
Toutefois, les tribunaux n'admettront la nullité de la convention pour erreur de droit qu'avec une grande réserve et si l'erreur est excusable, d'après les circonstances.
L'erreur de droit ne sera jamais admise pour relever les parties contre une pénalité, contre une déchéance légale résultant du temps ou de la violation des formes prescrites pour les actes, ni, généralement, quand il s'agira de l'ignorance de dispositions légales intéressant l'ordre public.
333. Le dol n'exclut ou ne vicie le consentement que s'il a entraîné l'une des erreurs ayant cet effet par elle-même, comme il est dit aux quatre articles précédents.
Dans les autres cas, il ne peut donner lieu qu'à une action en dommages-intérêts contre celui qui l'a pratiqué.
Toutefois, si l'auteur du dol est l'autre partie contractante elle-même et si les manœuvres frauduleuses ont été telles que sans elles la partie trompée n'aurait pas contracté, celle-ci pourra obtenir l'annulation de la convention, à titre de réparation, même avec dommages-intérêts, s'il y a lieu.
Dans ce cas, l'annulation de la convention ne pourra préjudicier aux tiers acquéreurs de bonne foi.
334. La violence exclut le consentement, si l'adhésion de l'une des parties à la convention lui a été arrachée par des voies de fait auxquelles elle n'a pu résister.
Il en est de même si un engagement excessif ou téméraire a été contracté ou si une aliénation déraisonnable a été faite par une personne, pour échapper à un péril imminent, même provenant d'une force majeure, qui lui ôtait toute faculté de délibérer.
La violence n'est qu'un vice du consentement, lorsque les voies de fait, le péril ou les menaces n'étaient pas irrésistibles, mais ont déterminé la partie à contracter, pour éviter un mal plus considérable, immédiat ou prochain, soit pour sa personne ou pour ses biens, soit pour la personne ou les biens d'autrui.
335. Si le tiers dont la personne ou les biens sont mis en danger par les violences ou les menaces est le conjoint, le parent ou l'allié en ligne directe du contractant, la violence est considérée comme dirigée contre la partie elle-même.
Pour les autres personnes, parentes, alliées ou étrangères, les tribunaux apprécieront, d'après les circonstances, l'influence que les menaces faites contre celle-ci auront eue sur le consentement du contractant.
336. La violence, avec les distinctions faites ci-dessus, exclut ou vicie le consentement, sans qu'il y ait à distinguer si elle provient du fait de l'autre partie ou du fait d'un tiers, même sans complicité.
337. Dans les cas où la partie violentée peut obtenir la nullité du contrat, elle peut aussi le maintenir, en demandant seulement des dommages-intérêts contre l'auteur de la violence.
Si la violence n'a pas été déterminante de la convention, mais a seulement fait accepter des conditions désavantageuses, la convention sera maintenue, sauf indemnité:
338. Dans tous les cas de violence, le tribunal prendra en considération l'âge, le sexe, l'état physique et mental, et la condition respective des personnes.
Toutefois, la seule crainte révérentielle des descendants envers les ascendants et celle de la femme envers le mari ne suffisent pas pour faire annuler la convention.
339. L'erreur, la violence, le dol, la lésion, l'incapacité ne se présument pas: la preuve doit en être fournie par celui qui les invoque.
Les moyens de nullité qui appartiendraient aux deux parties ne se détruisent pas réciproquement, lors même qu'ils seraient fondés sur des torts respectifs: sauf la compensation des dommages-intérêts, s'il y a lieu.
340. L'action en nullité, dans les cas prévus aux articles précédents, n'appartient qu'aux personnes incapables ou dont le consentement a été vicié;
Néanmoins, l'incapacité résultant des condamnations pénales peut être invoquée par ceux qui ont traité avec le condamné.
341. Si la convention annulable n'a pas été attaquée dans le délai fixé au Chapitre III, Section VII, elle est considérée comme ratifiée tacitement.
Les autres cas de ratification tacite et les formes de la ratification expresse sont réglés à la même Section.
342. Une convention peut avoir pour objet des choses futures et dont l'existence est incertaine; dans ce cas, le promettant est tenu de ne rien faire pour en empêcher ou en restreindre la réalisation; il ne doti non plus rien omettre ou négliger de ce qui peut la favoriser.
Néanmoins, on ne peut faire aucune convention donnant ou ôtant des droits à une succession non ouverte, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, si ce n'est dans les cas formellement exceptés par la loi.
343. La convention est nulle si elle a pour objet un acte ou une abstention illicite ou impossible.
Est considérée comme promesse d'un fait impossible au promettant celle du fait ou de l'abstention même licite ou possible d'un tiers sur lequel le promettant n'a pas autorité.
On peut néanmoins se porter expressément garant du fait ou de l'abstention d'un tiers; auquel cas, le promettant est soumis aux obligations de la caution.
Si le promettant s'est engagé seulement à procurer la ratification de l'engagement pris par lui au nom d'un tiers, il est déchargé de son obligation dès que le tiers a ratifié.
344. La convention est nulle pour défaut de cause quand le stipulant n'y a pas d'intérêt légitime et appréciable, si, d'ailleurs, elle n'est pas accompagnée d'une clause pénale.
La stipulation est considérée comme sans intérêt pour le stipulant, lorsqu'elle est faite au profit d'un tiers.
Toutefois, la stipulation dans l'intérêt d'autrui est valable, si elle est la condition accessoire d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation faite au promettant.
Dans ces deux cas, l'inexécution de la condition ne donne au stipulant qu'une action en résolution de la convention ou en payement de la clause pénale.
345. Une stipulation principale ou accessoire peut toujours être faite au profit d'un ou plusieurs des héritiers du stipulant, dans la mesure et sous les conditions où la loi des Successions permet d'avantager un héritier au préjudice des autres.
346. La stipulation faite dans l'intérêt d'autrui, aux cas prévus par les deux articles précédents, peut être révoquée au profit du stipulant ou transférée par lui à une autre personne, tant qu'elle n'a pas été acceptée par le bénéficiaire.
347. Soit que la cause ait eté exprimée ou non dans l'acte destiné à constater la convention, c'est au défendeur à prouver, soit que la cause n'existe pas, soit qu'elle est fausse ou illicite; il peut seulement, si la cause n'a pas été exprimée, sommer le créancier de déclarer sur quelle cause il prétend que la convention est fondée.
§ III. DE L'EFFET DES CONVENTIONS.
I. DE L'EFFET DES CONVENTIONS À L'ÉGARD DES PARTIES ET DE LEURS AYANT-CAUSE.
348. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties, sauf dans les cas où la loi autorise la révocation par la volonté d'une seule.
349. On peut, par des conventions particulières, déroger à la loi commune, y ajouter ou en retrancher des effets, pourvu qu'il ne soit pas dérogé à l'ordre public et aux bonnes mœurs.
350. Les conventions produisent non seulement les effets que les parties ont exprimés et ceux qui étaient compris dans leur intention tacite, mais encore ceux que l'équité, l'usage ou la loi y attachent d'après leur nature.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
351. La convention de donner, à titre onéreux ou gratuit, une chose individuellement déterminée [un corps certain], soit mobilière soit immobilière, transfère la propriété au stipulant, immédiatement et indépendamment de la tradition due; sans préjudice de ce qui sera ultérieurement statué au sujet de la condition suspensive dont la convention peut être affectée.
352. La convention de donner des choses fungibles ou appréciées au poids, au nombre ou à la mesure, oblige le promettant à transférer au stipulant la propriété des choses promises, dans la nature, la qualité et la quantité convenues; dans ce cas, la propriété sera transférée par la tradition ou par une détermination faite contradictoirement entre les parties.
353. Dans le cas des deux articles précédents, la chose donnée ou promise doit être livrée par les soins et aux frais du promettant, au temps et au lieu convenu.
Les frais de l'enlèvement sont à la charge du stipulant.
La livraison des immeubles se fait au moyen de la remise des titres et de l'évacuation des lieux.
Si aucun terme n'a été fixé pour la délivrance, elle est immédiatement exigible.
Si aucun lieu n'a été déterminé pour la livraison, elle se fait au lieu où était la chose lors de la convention, s'il s'agit d'un corps certain, et au lieu où la détermination a été faite, s'il s'agit de choses fungibles.
354. Jusqu'à la livraison d'un corps certain, le promettant doit conserver la chose avec les soins d'un bon administrateur, à peine de dommages-intérêts, en cas de négligence ou de mauvaise foi.
Toutefois, s'il s'agit d'une aliénation gratuite, le promettant n'est tenu d'apporter à la garde de la chose que les mêmes soins qu'il apporte aux choses qui lui appartiennent.
355. Dans tous les cas où la chose objet de la convention de donner est individuellement déterminée, les pertes et détériorations provenant de cas fortuits ou de force majeure sont au détriment du stipulant, à moins que le promettant ne se soit chargé des risques et sauf ce qui est dit au sujet de la condition suspensive; pareillement, tous les accroissements de la chose sont à son profit.
Toutefois, la perte retombe sur le promettant, s'il est en retard de livrer et si la chose n'eût pas nécessairement péri ou subi de dégradations si elle eût été livrée.
356. Le promettant ou tout autre débiteur est constitué en demeure: soit par une demande en justice, par une sommation ou un commandement en bonne et due forme, faits après l'échéance du terme fixé, soit par la seule échéance dudit terme, si telle est la disposition expresse de la loi ou de la convention, soit, enfin, par le fait que le promettant a laissé passer l'époque après laquelle il savait que l'exécution ne pouvait plus être utile au stipulant.
357. Les effets de la convention portant obligation de faire ou de ne pas faire sont réglés au Chapitre suivant, au sujet desdits obligations.
358. Les conventions profitent ou nuisent aux héritiers et autres ayant-cause généraux des parties, sauf les cas où il en est décidé autrement, soit par la loi, soit par la convention.
359. Les créanciers peuvent faire valoir les droits et exercer les actions tant réelles que personnelles appartenant à leur débiteur.
Ils procèdent, à cet égard, soit par voie de saisie, soit par voie d'intervention dans les actions exercées par leur débiteur ou contre lui, soit même par action indirecte contre les tiers, en vertu d'une subrogation judiciaire obtenue conformément au Code de procédure civile.
Néanmoins, les créanciers ne peuvent ni exercer les simples facultés légales qui appartiennent à leur débiteur ou les droits exclusivement réservés à sa personne, ni saisir les biens déclarés insaisissables par la loi ou les conventions.
360. En sens inverse, les créanciers subissent l'effet des obligations, renonciations et aliénations consenties par leur débiteur, à l'exception des actes qui sont faits en fraude de leurs droits.
Il y a fraude, lorsque le débiteur diminue son actif ou augmente son passif, sachant que l'acte nuira à ses créanciers.
361. L'annulation des actes faits en fraude des créanciers est demandée en justice par une action révocatoire, de la part de ceux-ci, contre ceux qui ont traité avec le débiteur et, s'il y a lieu, contre les sous-acquéreurs, sous les distinctions portées à l'article suivant.
Si le débiteur s'est laissé frauduleusement condamner comme défendeur ou débouter d'une demande, les créanciers agissent par la tierce-opposition, conformément au Code de procédure civile.
Dans tous les cas, le débiteur doit être mis en cause.
Si la révocation ne peut être obtenue directement des défendeurs, par la révocation de l'acte, ceux-ci seront condamnés aux dommages-intérêts envers les créanciers.
362. Quel que soit l'acte attaqué, les créanciers devront fournir la preuve de l'intention frauduleuse de leur débiteur; en outre, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, ils devront prouver qu'il y a eu participation à la fraude (collusion) de la part de ceux qui ont traité ou plaidé avec lui.
L'action révocatoire d'une aliénation peut être exercée contre les sous-acquéreurs à titre onéreux ou gratuit qui ont traité avec le premier acquéreur connaissant la fraude commise à l'égard des créanciers.
363. La révocation ne peut être demandée que par ceux des créanciers dont les droits sont antérieurs à l'acte frauduleux; mais, si elle est obtenue, elle profite à tous les créanciers indistinctement, à moins qu'il n'existe entre eux des causes légales de préférence.
364. L'action révocatoire se prescrit par trente ans écoulés depuis l'acte frauduleux; toutefois, elle est réduite à dix ans, à partir du moment où les créanciers ont découvert la fraude.
La même disposition s'applique à la tierce-opposition.
II. DE L'EFFET DES CONVENTIONS À L'ÉGARD DES TIERS.
365. Les conventions, en général, n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et à l'égard de leurs ayant-cause: elles ne profitent aux tiers et ne peuvent leur être opposées que dans les cas et sous les conditions que la loi détermine.
366. Toutefois, si une chose mobilière corporelle a été, de la part du propriétaire, l'objet de deux conventions de donner faites avec deux personnes différentes, celle des deux qui s'en trouve en possession réelle est préférée et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu qu'elle ait ignoré la première aliénation au moment de sa propre convention et si elle n'est pas d'ailleurs chargée d'administrer les biens de la première personne.
La présente disposition est applicable aux titres au porteur.
367. Le cessionnaire d'une créance nominative ne peut opposer son droit aux ayant-cause du cédant ou au débiteur cédé qu'à partir du moment où la cession a été signifiée à ce dernier ou acceptée par lui dans un acte authentique ou ayant date certaine.
L'acceptation du cédé l'empêche d'opposer au cessionnaire toutes les exceptions ou fins de non-recevoir qu'il eût pu opposer au cédant; la simple signification ne fait perdre au cédé que les exceptions nées depuis qu'elle a été faite.
Jusqu'à l'un desdits actes, tous payements ou conventions libératoires du débiteur, toutes saisies-arrêts ou oppositions des créanciers du cédant, toutes acquisitions nouvelles de la créance, dûment signifiées ou acceptées, sont présumées faites de bonne foi et sont opposables au cessionnaire négligent.
La mauvaise foi des ayant-cause ne peut être prouvée que par leur aveu ou leur refus de serment en justice.
368. Sont transcrits en entier sur un registre spécial tenu à la préfecture du Fu ou Ken de la situation des biens:
1° Tous actes entre-vifs, authentiques ou sous seing-privé, à titre gratuit ou onéreux, portant aliénation de propriété immobilière ou de tout autre droit réel immobilier;
2° Tout acte portant modification ou renonciation aux mêmes droits;
3° Tout jugement constatant l'existence d'une convention verbale ayant l'un desdits objets;
4° Tout acte judiciaire ou administratif prononçant une expropriation pour cause d'utilité publique.
Les règles particulières à la publicité des priviléges et hypothèques sont établies au Livre IVe.
369. La transcription est faite à la requête et aux frais des parties intéressées, après due justification.
Il est délivré au requérant un certificat de la transcription portant l'extrait des dispositions principales de l'acte transcrit.
Toute personne peut aussi requérir à ses frais un extrait du registre des transcriptions concernant les immeubles par elle désignés.
Les autres formalités relatives à la transcription sont réglées au Code de Procédure civile.
370. Jusqu'à la transcription, les droits réels acquis par l'effet des actes sus-énoncés ne peuvent être opposés aux ayant-cause qui ont traité de bonne foi, au sujet des mêmes droits, avec la partie qui était restée titulaire apparent, et qui ont eux-mêmes fait faire la transcription de leur titre.
La mauvaise foi peut être prouvée conformément à l'article 367, et même par tous les moyens ordinaires de preuve, s'il y a fraude concertée avec le cédant.
371. Le défaut de transcription ne pourra être opposé au premier acquéreur par les acquéreurs ou cessionnaires subséquents, même de bonne foi, qui étaient chargés par la loi, par la justice ou par convention, de faire faire la première transcription, ni par leurs héritiers ou ayant-cause généraux.
372. Dans les cas où les actions tendant à la résolution, à la rescision ou à la révocation d'une aliénation transcrite ne peuvent s'exercer au préjudice des sous-acquéreurs de bonne foi, la demande en justice sera mentionnée par extrait en marge de l'acte attaqué, à l'effet d'arrêter les transcriptions ou inscriptions opposables au demandeur.
Si lesdites actions sont autorisées contre tous les sous-acquéreurs indistinctement, la demande ne sera pas reçue en justice tant qu'elle n'aura pas été mentionnée en marge de l'acte attaqué.
Le jugement prononçant l'annulation de l'acte devra également être mentionné à la suite de la demande, avant sa mise à exécution, même provisoire, et, en tout cas, dans le mois à partir du moment où il sera devenu inattaquable, à peine d'une amende de 10 a 100 yens contre la partie qui l'a obtenu.
Si la demande est rejetée, le tribunal ordonnera d'office la radiation de la mention de la demande, pour être effectuée lorsque le jugement de rejet sera devenu inattaquable.
373. Si la résolution, la rescision ou la révocation d'un acte transcrit est consentie à l'amiable, elle est, dans tous les cas, considérée comme rétrocession volontaire et soumise à la transcription prescrite et réglée par les articles 368 à 371; de plus, ladite transcription est mentionnée d'office, par le conservateur du registre, en marge de l'acte annulé.
374. Les transcriptions et mentions marginales faites sur les registres peuvent être contestées en justice par tous ceux qui y ont intérêt, pour être radiées ou rectifiées.
La demande et le jugement sont mentionnés en marge de l'acte contesté, comme il est dit à l'article 372 et sous les sanctions qui y sont portées.
Les parties capables, ou dûment représentées ou assistées, peuvent consentir à l'amiable la radiation ou la rectification.
Les radiations ou rectifications dûment ordonnées en justice ou consenties à l'amiable ne sont opposables à ceux qui ont des droits régulièrement transcrits ou inscrits qu'autant que ceux-ci ont été appelés à y contredire ou qu'ils y ont acquiescé.
375. Les conservateurs des registres seront responsables, envers les parties requérantes ou intéressées, de leurs omissions ou inexactitudes, soit dans les transcriptions ou mentions, radiations ou rectifications énoncées aux articles précédents, soit dans les certificats destinés à faire connaître l'état des registres.
§ IV. DE L'INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS.
376. Dans l'interprétation des conventions, les tribunaux doivent rechercher l'intention commune des parties, plutôt que s'attacher au sens littéral des termes par elles employés.
377. Lorsqu'une expression n'a pas en tous lieux le même sens ou la même portée, on doit lui donner, de préférence, le sens usité au lieu où les deux contractants ont leur domicile; et, si leur domicile n'est pas au même lieu, on préférera le sens usité au lieu où le contrat est passé.
Si une expression est susceptible de deux sens, elle doit être entendue dans celui qui convient le mieux à la nature et à l'objet de la convention.
378. Toutes les clauses de la convention s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui s'accorde le mieux avec l'acte entier.
Si une clause peut s'interpréter de deux manières dont une seule lui donne un effet utile, on doit l'entendre de cette manière et non de celle qui ne lui en donne aucun.
379. Quelque généraux que soient les termes de la convention, ils ne sont présumés comprendre que les objets sur lesquels les parties se sont proposé de contracter;
Réciproquement, si les parties ont exprimé un des effets naturels ou légaux de la convention ou son application à un cas particulier, elles ne sont pas présumées, par cela seul, avoir voulu exclure les autres effets que l'usage ou la loi y attache, ou les autres applications qu'elle peut raisonnablement recevoir.
380. Dans tous les cas, s'il reste du doute sur l'intention des parties, la convention s'interprète contre le stipulant et en faveur du promettant.
Si la convention est synallagmatique, la présente règle s'applique séparément à chaque clause obscure ou ambiguë.
SECTION II. DE L'ENRICHISSEMENT INDÛ OU DES QUASI-CONTRATS.
381. Quiconque se trouve enrichi du bien d'autrui sans cause légitime, volontairement ou sans sa volonté, par erreur ou sciemment, est soumis à la répétition de ce qui a indûment tourné à son profit.
La présente disposition s'applique, principalement, sous les distinctions faites ci-après:
1° A la gestion des affaires d'autrui;
2° A la réception de choses payées sans être dues, ou fournies, soit pour une cause fausse ou illicite, soit par une cause qui ne s'est pas réalisée ou qui a cessé d'exister;
3° A l'acceptation d'une succession grevée de legs ou d'autres charges testamentaires;
4° A l'augmentation de propriété résultant de l'accession de la chose ou du travail d'autrui;
5° Aux fruits, produits et autres profits illégalement perçus par le possesseur de la chose d'autrui, et, réciproquement, aux améliorations apportées par celui-ci à la chose qu'il a possédée.
382. Celui qui sans mandat conventionnel, légal ou judiciaire, gère tout ou partie des affaires d'un absent ou d'une autre personne dont les biens paraissent en souffrance, est tenu de restituer tous les profits et avantages qu'il a tirés de la chose du maître et de lui transférer les droits et actions qu'il a pu acquérir en son nom, à l'occasion de ladite gestion.
Il est tenu de continuer la gestion jusqu'à ce que le maître ou ses héritiers aient pu la reprendre eux-mêmes.
Il est responsable des dommages causés au maître par sa faute ou sa négligence, eu égard aux circonstances qui l'ont conduit à se charger de la gestion.
383. De son côté, le maître doit indemniser le gérant de toutes les dépenses nécessaires ou utiles qu'il a faites pour la gestion, et le décharger ou le garantir des engagements qu'il a contractés personnellement au même titre.
384. Celui qui, n'étant pas créancier, a reçu une prestation à titre de payement, est soumis à la répétition, sans distinguer s'il a été de bonne foi ou de mauvaise foi, ni si celui qui a payé l'a fait par erreur ou sciemment.
385. Si celui qui a reçu un payement était créancier, mais a reçu d'un autre que du débiteur, la répétition n'est admise que si celui qui a payé l'a fait par erreur.
La répétition cesse encore si le créancier a, de bonne foi, supprimé son titre de créance par suite du payement.
Sauf, dans ces deux cas, le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur, par l'action de gestion d'affaires ou par le bénéfice de la subrogation, tel qu'il sera expliqué au sujet du payement.
386. Si le payement a été fait au véritable créancier par le véritable débiteur, il n'y a lieu à répétition que si le débiteur a, par erreur, donné en payement une chose d'une autre nature que celle qu'il devait.
La répétition n'a pas lieu si le payement a été fait, soit avant le terme, soit dans un lieu autre que celui où il devait être effectué, soit d'une chose d'une autre qualité, valeur ou bonté que celle promise; sauf, s'il y a eu erreur de l'une des parties, l'indemnité de la perte qui en résulte pour elle, dans la limite du profit de l'autre.
387. L'article 384 est applicable aux autres prestations prévues au 2e alinéa de l'article 381, lorsqu'elles n'ont pas le caractère de payement.
Toutefois, la répétition des choses ou valeurs données pour une cause illicite n'est pas admise si la cause est illicite de la part de celui qui a donné.
388. Celui qui a reçu de mauvaise foi les prestations prévues à l'article 381-2° doit restituer, outre ce dont il est indûment enrichi: les intérêts des capitaux depuis qu'il les a reçus; les fruits et produits des corps certains, lors même qu'il a négligé de les percevoir; enfin, l'indemnité des pertes ou dégradations causées par sa faute ou sa négligence, et même celles provenant d'une cause fortuite ou majeure, si elles n'avaient pas dû se produire chez celui qui a livré la chose.
389. Si la chose indûment reçue est un immeuble et qu'il ait été aliéné, celui qui l'a livré peut, à son choix, ou le revendiquer contre le tiers-possesseur, ou agir en répétition contre celui qui l'a aliéné.
La répétition, au cas de mauvaise foi, sera de la valeur estimative de l'immeuble; au cas de bonne foi, elle ne sera que du prix qui en aura été obtenu ou des actions qui subsistent à ce sujet.
SECTION III. DES DOMMAGES INJUSTES. OU DES DÉLITS ET DES QUASI-DÉLITS.
390. Celui qui cause à autrui un dommage, par sa faute ou sa négligence, est tenu de le réparer.
Si le fait dommageable est volontaire, il constitue un délit civil; s'il est involontaire, il n'est qu'un quasi-délit.
L'étendue de la responsabilité des délits et des quasi-délits se règle comme celle du dol et des fautes commis dans l'éxécution des conventions, ainsi qu'il est dit au Chapitre suivant, Section IIe.
391. Chacun est responsable non seulement de ses propres faits ou négligences, mais encore des faits et négligences des personnes sur lesquelles il a autorité et des choses qui lui appartiennent, sous les distinctions ci-après.
392. L'ascendant qui exerce la puissance paternelle est responsable des dommages causés par ses descendants mineurs habitant avec lui;
La même responsabilité incombe au tuteur, à l'égard des dommages causés par son pupille, et au mari, à l'égard des dommages causés par sa femme, sous la même condition d'habitation commune;
Ceux qui ont la garde des aliénés ou des faibles d'esprit sont responsables de leurs actes dommageables;
Les instituteurs, maîtres d'apprentissage et chefs d'ateliers sont responsables des dommages causés par leurs élèves, apprentis et ouvriers mineurs, pendant le temps où ceux-ci sont sous leur surveillance.
La responsabilité des personnes désignées au présent article cesse, si elles prouvent qu'elles n'ont pu empêcher les faits dommageables.
393. Les maîtres et patrons, entrepreneurs de travaux et de transports, ou autres, les administrations publiques et privées, sont responsables des dommages causés par leurs serviteurs, ouvriers employés ou préposés, dans l'exercice ou à l'occasion des fonctions qui leur sont confiées.
394. Dans les cas des deux articles précédents, si l'auteur du délit ou du quasi-délit peut être considéré comme personnellement responsable de ses actes, le tribunal prononce contre lui la condamnation principale et détermine l'étendue de l'obligation subsidiaire des personnes civilement responsables; dans ce cas, le recours de ces dernières contre le délinquant est de droit.
395. Les personnes civilement responsables du fait d'autrui ne sont pas responsables des amendes qui pourraient être prononcées contre le délinquant, si ce n'est dans les cas spécialement prévus par la loi.
396. La responsabilité des dommages causés par les animaux incombe au propriétaire ou à celui qui en a l'usage au moment du dommage; sauf les accidents fortuits ou de force majeure.
397. Le propriétaire d'un bâtiment, d'une terrasse ou d'un autre ouvrage édifié est responsable des dommages causés par leur chûte, lorsqu'elle est la suite du défaut de réparations ou d'un vice de construction; sauf, dans ce dernier cas, son recours contre l'entrepreneur, s'il y a lieu.
La même responsabilité est encourue pour les dommages causés par la rupture de digues, par la chûte d'arbres, de mâts, d'auvents, d'enseignes, tuiles et autres parties mal consolidées des bâtiments, ainsi qu'aux dommages qui seraient causés par les navires, bateaux ou barques mal ancrés ou amarrés.
398. Dans tous les cas prévus à la présente Section, si plusieurs personnes sont responsables d'un même fait, sans qu'il soit possible de connaître la part de faute ou de négligence de chacune, l'obligation est solidaire entre elles.
399. Si les délits civils ou les quasi-délits constituent en même temps une infraction punie par la loi pénale, on observe les règles relatives à la compétence et à la prescription de l'action civile, telles qu'elles sont fixées par le Code de procédure criminelle, tant pour les délinquants eux-mêmes que pour les personnes civilement responsables.
SECTION IV. DE LA LOI (COMME SOURCE D'OBLIGATION).
400. Certaines obligations sont imposées par la loi, indépendamment d'un fait actuel de l'homme; telles sont:
L'obligation alimentaire entre certains parents et alliés,
L'obligation de gérer une tutelle, dans les cas où les excuses ou dispenses ne sont pas admises,
Les obligations entre co-propriétaires et celles entre voisins, lorsqu'elles ne constituent pas des servitude foncières.
Ces obligations, pour ce qu'elles ont de spécial, sont réglées au sujet des matières auxquelles elles se rapportent.
CHAPITRE II. DES EFFETS DES OBLIGATIONS.
401. L'effet principal d'une obligation est de donner au créancier une action en justice pour l'exécution directe de ladite obligation et, subsidiairement, pour les dommages-intérêts, en cas d'inexécution, suivant les distinctions portées aux Sections I et II, ci-après.
Lesdits effets des obligations sont, en outre, plus ou moins étendus (modifiés), suivant les diverses modalités des obligations, telles qu'elles sont prévues à la Section III.
SECTION PREMIÈRE. DE L'ACTION POUR L'EXÉCUTION DIRECTE.
402. Dans tous les cas où l'exécution directe de l'obligation, suivant sa forme et teneur, est requise par le créancier et peut être obtenue sans contrainte sur la personne du débiteur, les tribunaux devront l'ordonner:
S'il s'agit de choses corporelles à délivrer et se trouvant dans les biens du débiteur, elles sont saisies par autorité de justice et délivrées au créancier;
S'il s'agit de faits à exécuter, le tribunal autorise le créancier à les faire exécuter par des tiers aux frais du débiteur;
S'il s'agit d'obligation de ne pas faire, le créancier est autorisé à faire détruire, aussi aux frais du débiteur, ce qui a été fait en contravention à l'obligation et à prendre pour l'avenir telles mesures qu'il convient;
Sans préjudice de dommages-intérêts, dans tous ces cas, s'il y a lieu.
SECTION II. DE L'ACTION EN DOMMAGES-INTÉRÊTS.
403. En cas de refus par le débiteur ou d'impossibilité à lui imputable d'exécuter l'obligation, ou même de simple retard dans l'exécution, le créancier, à défaut d'exécution forcée, obtient la condamnation du débiteur aux dommages-intérêts.
Hors les cas où les dommages-intérêts sont fixés par la loi et quand ils ne l'ont pas été par les parties, ils sont fixés par le tribunal, sous les distinctions et conditions ci-après.
404. Les dommages-intérêts ne sont encourus qu'après que le débiteur a été constitué en demeure, conformément à l'article 356.
Toutefois, si l'obligation est de ne pas faire, le débiteur est toujours de plein droit en demeure.
405. En général, les dommages-intérêts comprennent l'indemnité de la perte éprouvée par le créancier et la compensation du gain dont il a été privé.
Si cependant l'inexécution ou le retard ne provient que de la négligence du débiteur, sans qu'il y ait dol ou mauvaise foi, les dommages-intérêts ne comprennent que les pertes ou les privations de gains que les parties ont prévues ou ont pu prévoir lors de la convention.
Dans le cas de mauvaise foi, le débiteur doit les dommages-intérêts même imprévus, pourvû qu'ils soient la suite inévitable de l'inexécution.
406. Quand les dommages-intérêts sont l'objet d'une action principale, la condamnation en fixe le montant en argent.
Si les dommages-intérêts sont demandés accessoirement à l'action pour l'exécution directe ou à l'action en résolution, le tribunal peut, en statuant sur la demande principale, allouer des dommages-intérêts indéterminés, en en réservant la liquidation pour être faite ultérieurement, sur les justifications à fournir.
Le tribunal peut aussi, en ordonnant l'exécution directe par le débiteur, allouer au créancier une indemnité conditionnelle pour chaque jour ou mois de retard, en fixant un délai extrême pour l'exécution, passé lequel il sera statué définitivement.
Dans ce dernier cas, le débiteur peut toujours provoquer une liquidation immédiate.
407. Si les parties ont eu des torts réciproques relativement au retard ou à l'inexécution, le tribunal en tient compte dans la fixation des dommages-intérêts.
408. Les parties peuvent faire, à l'avance, au moyen d'une clause pénale, le règlement des dommages-intérêts, en prévision soit de l'inexécution, soit du simple retard.
409. Les juges ne peuvent jamais ajouter à la clause pénale; ils ne peuvent la diminuer que si l'exécution a eu lieu partiellement ou si l'inexécution ou le retard ne proviennent pas uniquement de la faute du débiteur.
410. Dans le cas d'un contrat synallagmatique (ou bilatéral), le créancier qui a stipulé une peine pour inexécution de l'obligation ne perd pas son droit de résolution, à moins qu'il n'y ait formellement renoncé;
Il ne peut cumuler la résolution et la peine que si cette dernière a été stipulée pour le simple retard.
411. Lorsque l'obligation a pour objet une somme d'argent, les dommages-intérêts à raison du retard ne peuvent être fixés par le tribunal à une somme différente du taux légal de l'intérêt, sauf les cas exceptés par la loi.
Si les parties règlent elles-mêmes les dommages-intérêts, elles peuvent fixer une somme inférieure, mais non supérieure au taux maximum de l'intérêt conventionnel.
412. Pour obtenir les dommages-intérêts, le créancier n'est tenu de justifier d'aucune perte et le débiteur n'est pas reçu à prouver le cas fortuit ou la force majeure.
413. La mise en demeure nécessaire pour faire courir les intérêts moratoires ne peut résulter que d'une demande en justice desdits intérêts ou d'une reconnaissance spéciale du débiteur; sauf les cas où la loi les fait courir de plein droit et ceux où elle permet de les faire courir par une simple sommation ou autre acte équivalent.
414. Les intérêts des capitaux exigibles, tant compensatoires que moratoires, ne peuvent être capitalisés, pour porter eux-mêmes intérêt, qu'en vertu et à partir d'une convention spéciale ou d'une demande en justice faites seulement après une année échue ou plus, et ainsi d'année en année.
Mais les revenus échus, tels que le prix des baux à loyer ou à ferme, les arrérages des rentes perpétuelles ou viagères, les restitutions à faire de fruits ou produits, peuvent porter intérêt à partir d'une demande ou d'une convention, lors même qu'ils seraient dus pour moins d'une année.
Il en est de même des intérêts de capitaux payés par un tiers en l'acquit du débiteur.
SECTION III. DE LA GARANTIE.
415. Toute personne qui a conféré ou promis de conférer un droit, soit réel, soit personnel, est tenue d'en assurer ou garantir le plein exercice et la libre jouissance contre tous troubles de droit ou toute éviction fondés sur une cause antérieure à la cession ou imputable au cédant.
La garantie a deux objets: la défense ou protection du cessionnaire contre les prétentions des tiers et l'indemnité des troubles et évictions qui n'ont pu être empêchés.
416. La garantie est due de plein droit dans les actes à titre onéreux, s'il n'y a stipulation contraire; elle n'a lieu dans les actes gratuits que si celle a été promise.
Toutefois, dans aucun cas et à la faveur d'aucune stipulation, le cédant ne doit lui-même causer de troubles au cessionnaire; il est pareillement garant de tous troubles ou évictions causés par des tiers en vertu de droits par lui conférés, même avant la cession faite sans garantie.
Les héritiers du cédant sont soumis aux mêmes obligations.
417. Les règles particulières à la garantie du vendeur et du bailleur en faveur de l'acheteur et du preneur, et des copartageants respectivement, sont établies au sujet des contrats et actes qui y donnent lieu.
418. Les personnes qui sont tenues d'une obligation avec d'autres ou pour d'autres ont un recours en garantie pour ce qu'elles ont payé en l'acquit d'autrui, ainsi qu'il est réglé au sujet de la solidarité, de l'indivisibilité et du cautionnement.
419. Celui qui a droit à la garantie peut, au moment où il est actionné, demander la mise en cause du garant, suivant les formes déterminées au Code de Procédure civile.
420. Si le garant n'a pas été mis en cause, celui qui a subi l'éviction ou acquitté la dette d'autrui peut agir en garantie par action principale; à moins que le garant ne prouve qu'il avait des moyens valables de faire rejeter la demande.
SECTION IV. DES DIVERSES MODALITÉS DES OBLIGATIONS.
421. L'effet des obligations se trouve modifié, comme il est dit aux paragraphes suivants, selon que l'obligation est:
1° Quant à sa formation, pure et simple, à terme ou conditionnelle;
2° Quant au nombre des créanciers ou des débiteurs, simple ou multiple;
3° Quant aux objets dus, simple, alternative ou facultative;
4° Quant à la nature de l'objet dû, divisible ou indivisible.
Les effets de la solidarité active et passive et ceux de l'indivisibilité conventionnelle, sont réglés au Livre IVe, comme sûretés des créances.
§ 1er. DES OBLIGATIONS PURES ET SIMPLES, À TERME ET CONDITIONNELLES.
422. L'obligation est pure et simple, lorsque son existence est assurée et que son exigibilité est immédiate dès l'instant où elle est formée.
423. L'obligation est à terme lorsque le créancier ne peut agir avant un certain temps ou avant un événement déterminé qui ne peut manquer d'arriver, lors même que l'époque en serait incertaine.
Le terme est dit "de droit", lorsqu'il est établi par les parties ou accordé par la loi.
S'il a été dit que le débiteur payera "quand il voudra ou quand il pourra", le tribunal, sur la demande du créancier, fixe un délai, d'après les circonstances et l'intention présumée des parties.
424. Le débiteur peut renoncer au bénéfice du terme et exécuter son obligation avant l'échéance, à moins qu'il ne soit prouvé, par la stipulation ou par les circonstances du fait, que le terme a été établi dans l'intérêt des deux parties ou du créancier exclusivement; dans ce dernier cas, le créancier peut également renoncer au terme.
Le cas où la partie a payé par erreur avant l'échéance du terme est réglé par l'article 386.
425. Le débiteur est déchu du bénéfice du terme de droit, dans les cas suivants:
1° S'il est tombé en faillite ou devenu notoirement insolvable;
2° S'il a aliéné la majeure partie de ses biens ou si elle est saisie par d'autres créanciers;
3° S'il a détruit ou diminué les sûretés particulières qu'il a fournies, ou manqué à fournir celles qu'il a promises.
426. Soit qu'il y ait eu ou non un terme de droit, les tribunaux peuvent accorder au débiteur un délai de grâce modéré, s'il est malheureux et de bonne foi et si le créancier ne doit pas en éprouver un préjudice sérieux.
Ils pourront aussi, aux mêmes conditions, autoriser l'exécution partielle de la dette.
Toute stipulation contraire est nulle.
427. Le débiteur qui a obtenu un délai de grâce en est déchu pour les causes prévues a l'article 425 et, en outre:
1° S'il est en fuite ou condamné à un emprisonnement d'un an ou plus;
2° S'il a manqué à remplir l'une des conditions à lui imposées par le jugement;
3° S'il est devenu lui-même créancier de son créancier, dans un cas où la compensation légale est possible.
Le délai de grâce, une fois écoulé, ne peut plus être prorogé par le tribunal.
428. L'obligation est sous condition lorsque les parties ou la loi font dépendre sa naissance ou sa résolution d'un évênement futur et incertain: la condition est dite "suspensive" dans le premier cas et "résolutoire" dans le second.
Les droits réels, principaux ou accessoires, peuvent être également soumis à une condition suspensive ou résolutoire.
429. La condition suspensive, lorsque l'évênement prévu est accompli, rétroagit au jour de la convention.
L'accomplissement de la condition résolutoire remet les parties dans la situation où elles étaient respectivement avant la convention.
430. Tant que la condition suspensive ou résolutoire n'est pas accomplie, chacune des parties peut conférer sur l'objet de la convention des droits subordonnés à la même condition que le sien;
Toutefois, la condition n'est opposable par une partie ou ses ayant-cause aux ayant-cause de l'autre que si la condition a été révélée à ceux-ci, au moyen de la publicité prescrite par les articles 367 et 368.
431. Les actes d'administration faits de bonne foi et en conformité à la loi, par celui dont les droits sont sujets à résolution, sont maintenus au profit des tiers.
A l'égard des jugements intervenus entre les tiers et la partie dont le droit est résoluble, ils peuvent être invoqués par l'autre partie ou ses ayant-cause; mais ils ne peuvent leur être opposés, s'ils n'ont pas été appelés à y contredire.
432. Lorsque la condition est accomplie, celle des parties qui doit livrer ou restituer une chose ou une somme d'argent doit en fournir les fruits ou intérêts perçus ou échus dans l'intervalle, à moins que la preuve d'une intention contraire des parties ne résulte des circonstances.
433. La convention est nulle si son objet principal est subordonné à une condition impossible ou illicite.
La condition est illicite quand elle doit, soit profiter à une partie, parce qu'elle aura accompli un acte illicite ou se sera abstenue d'un devoir, soit lui nuire, parce qu'elle se sera abstenue d'un acte illicite ou aura accompli un devoir.
Si la condition impossible ou illicite ne concerne qu'un effet accessoire de la convention, la clause qui en dépend est seule non avenue.
434. La condition casuelle et celle qui dépend en tout ou partie de la volonté du stipulant sont réputées accomplies, lorsque c'est le promettant qui en a empêché l'accomplissement.
435. Si la condition est potestative ou dépendant de la seule volonté de l'une des parties, l'autre partie peut demander au tribunal la fixation d'un délai passé lequel la condition est réputée défaillie si le fait n'est pas accompli.
436. Si la condition positive a été limitée à un temps fixe, soit par les parties, soit par le tribunal, elle est réputée défaillie lorsque ce temps s'est écoulé sans que l'évênement soit arrivé; soit qu'il y ait ou non un temps fixé pour l'accomplissement de la condition, elle est également défaillie dès qu'il est devenu certain que l'évênement ne peut s'accomplir.
La condition négative limitée à un temps fixe est réputée accomplie lorsque l'évênement prévu n'est pas arrivé dans le temps fixé; elle est encore réputée accomplie dès qu'il est devenu certain que l'évênement n'arrivera pas.
Dans l'un et l'autre cas, le délai fixé par les parties ne peut être prorogé par le juge.
437. Si l'une des parties ou toutes les deux sont décédées avant que la condition soit accomplie ou défaillie, la convention subsiste activement ou passivement à l'égard de leurs héritiers; à moins que la condition ne soit, par sa nature ou par l'intention des parties, attachée ou imposée à la personne même du stipulant ou du promettant.
438. Les autres questions relatives au point de savoir comment les conditions doivent être remplies et quand elles peuvent être considérées comme accomplies ou défaillies, se décident d'après l'intention expresse ou tacite des parties; il en est de même au sujet de l'effet que peut avoir leur accomplissement partiel.
439. Si, avant l'accomplissement de la condition suspensive, la chose promise ou cédée a péri en totalité ou pour plus de moitié de sa valeur, sans la faute du promettant ou cédant, la convention est réputée non avenue et il ne peut être rien exigé de part ni d'autre.
En sens inverse, si la promesse ou cession a été faite sous condition résolutoire, la même perte ou détérioration est aux risques du stipulant ou cessionnaire dont le droit devient irrévocable, sans qu'il puisse exiger aucune restitution.
Si, dans les mêmes cas, la perte ou détérioration n'excède pas la moitié de la valeur, l'accomplissement de la condition produira les effets convenus.
440. En cas de perte ou détérioration imputable à l'une des parties, l'autre peut, à son choix, demander l'exécution de la convention, avec indemnité de la perte, ou la résolution, avec dommages-intérêts.
441. Dans tout contrat synallagmatique, la condition résolutoire est toujours sous-entendue au profit de chacune des parties, pour le cas où l'autre partie ne remplirait pas ses obligations.
Dans ce cas, la résolution n'a pas lieu de plein droit: elle doit être demandée en justice par la partie lésée; mais le tribunal peut accorder à l'autre un délai de grâce, conformément à l'article 426.
442. Les parties peuvent, par convention expresse, exclure ladite résolution.
Elles peuvent aussi convenir qu'elle aura lieu de plein droit contre la partie constituée en demeure d'exécuter; mais celle-ci ne peut se prévaloir la première de la résolution opérée contre elle.
443. La partie lésée par l'inexécution peut renoncer à la résolution, tant qu'elle n'a pas formé sa demande en justice, dans le cas de la résolution tacite, ou déclaré se prévaloir de la résolution expresse.
444. La partie qui demande la résolution en justice ou invoque la résolution opérée de plein droit, peut, en outre, obtenir la réparation du préjudice éprouvé.
445. Il sera traité au Livre III, au Chapitre de la Vente, des conditions suspensives ou résolutoires potestatives spécialement usitées dans ce contrat.
446. La partie dont le droit est subordonné à une condition suspensive ou dont l'action est retardée par un terme de droit ou de grâce peut néanmoins prendre, dans l'intervalle, toutes les mesures conservatoires de son droit, telles qu'elles sont réglées tant au présent Code qu'au Code de procédure civile.
§ II. DES OBLIGATIONS SIMPLES, ALTERNATIVES OU FACULTATIVES, QUANT À L'OBJET DÛ.
447. L'obligation est simple lorsqu'elle a pour objet, soit une chose individuellement déterminée, soit des choses de genre déterminées seulement par la quantité, soit une collection ou une universalité d'objets.
L'obligation est encore considérée comme simple, lorsqu'elle a pour objet plusieurs prestations différentes, soit simultanées, soit successives, pourvû qu'elles soient dues en vertu d'une seule convention ou de conventions connexes.
Dans ce dernier cas, le débiteur n'est libéré que par la prestation de toutes les choses dues.
448. L'obligation est alternative, lorsqu'elle a plusieurs objets distincts, mais de telle sorte que le débiteur doive être libéré par la prestation d'un ou plusieurs d'entre eux.
Le choix de la chose à donner appartient au débiteur, à moins qu'il n'ait été accordé au créancier; mais le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir une partie des diverses choses dues alternativement.
449. Lorsque le choix appartient au débiteur et que l'une des deux choses dues alternativement a péri par la faute du créancier, le débiteur est libéré, à moins qu'il ne préfère donner celle qui reste et se faire rembourser la valeur de celle qui a péri.
Si les deux choses ont péri simultanément par la faute du créancier, le débiteur peut se faire rembourser la valeur de l'une ou de l'autre à son choix.
450. Dans le même cas, où le choix est au débiteur, si l'une des deux choses a péri par sa faute, l'obligation porte sur celle qui reste, sans que le débiteur puisse se libérer en donnant la valeur de l'objet qui a péri;
Si les deux choses ont péri simultanément et que le débiteur soit en faute à l'égard de toute deux ou à l'égard d'une seule, le choix est transféré au créancier pour obtenir la valeur de l'une ou de l'autre.
451. Lorsque le choix a été donné au créancier par la convention et que l'une des deux choses a péri par la faute du débiteur, le créancier peut demander celle qui reste ou la valeur de celle qui a péri;
Si toutes deux ont péri par la faute du débiteur, le créancier a le choix de la valeur de l'une ou de l'autre.
452. Dans le même cas du choix appartenant au créancier, si l'une des deux choses a péri par la faute du créancier, le débiteur est libéré;
Si toutes deux ont péri simultanément par la faute du créancier, le choix est transféré au débiteur, pour se faire rendre la valeur de l'une ou de l'autre.
453. Si, par cas fortuit ou force majeure, l'une des deux choses est détériorée ou perdue pour plus de la moitié de sa valeur, elle ne peut plus être l'objet du choix du débiteur.
Quelle que soit la partie qui a le choix, si l'une des deux choses périt par cas fortuit, l'obligation devient simple et porte sur la chose qui reste.
Si les deux choses ont péri en entier, l'obligation est éteinte.
454. La partie qui a exercé son choix, soit par des offres réelles, soit par une demande en justice, ne peut plus le rétracter sans le consentement de l'autre.
Si la partie qui a le choix est décédée laissant plusieurs héritiers, ceux-ci doivent se concerter pour exercer un choix unique, comme il est dit au sujet des obligations indivisibles.
455. Lorsque, aux termes des articles précédents, l'obligation alternative vient à ne porter que sur un seul objet, ou lorsque le choix est exercé sur un des objets par la partie qui en a le droit, ses effets rétroagissent, comme il est dit à l'article 429, au sujet de la condition suspensive.
456. L'obligation est dite "facultative" lorsque le débiteur est tenu principalement d'une ou plusieurs choses, mais est libre de se libérer en donnant une ou plusieurs autres choses.
Si la chose due principalement a péri par cas fortuit ou par la faute du créancier, le débiteur est libéré;
Si la chose due principalement a péri par la faute du débiteur, il en doit la valeur avec dommages-intérêts; mais il conserve la faculté de se libérer en donnant la chose due facultativement;
Si la chose due facultativement a péri par la faute du créancier, le débiteur peut invoquer sa libération, ou donner la chose due principalement, en se faisant indemniser pour celle qui a péri.
§ III. DES OBLIGATIONS SIMPLES ET MULTIPLES, QUANT AUX CRÉANCIERS ET AUX DÉBITEURS.
457. L'obligation est simple lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier et un seul débiteur; elle est multiple, lorsqu'il y a plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs.
L'obligation multiple, si elle n'est pas indivisible, comme il est prévu au § suivant, est conjointe ou solidaire.
458. Dans l'obligation conjointe, chacun des créanciers ne peut agir et chacun des débiteurs ne peut être poursuivi que pour sa part dans la créance ou dans la dette, telle qu'elle est fixée au § suivant.
Dans l'obligation solidaire, chaque créancier peut agir et chaque débiteur peut être poursuivi pour le tout, tant en son nom et pour sa part qu'au nom et pour la part des autres; sauf les recours respectifs, par l'action en garantie, pour ce que chacun a reçu ou payé au delà de sa part réelle, ainsi qu'il sera expliqué au Livre IVe.
§ IV. DES OBLIGATIONS DIVISIBLES ET INDIVISIBLES, QUANT À LEUR EXÉCUTION.
459. L'obligation simple déterminée à l'article 457 doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible; sauf la faculté accordée aux tribunaux, par l'article 426, d'autoriser des payements partiels.
460. Dans l'obligation conjointe, si la part pour laquelle chacun des créanciers peut agir ou celle pour laquelle chacun des débiteurs peut être poursuivi ne peut être déterminée d'après la convention ou d'après les circonstances du fait, cette part est virile ou calculée par tête; sauf les recours respectifs, pour ramener chacun à sa part réelle dans le profit de la créance ou dans la charge de la dette.
461. En cas de décès du créancier ou du débiteur, l'obligation simple ou conjointe se divise activement ou passivement entre les héritiers, pour la part pour laquelle chacun représente le défunt.
L'obligation solidaire est pareillement divisible entre les héritiers.
462. L'obligation est indivisible entre les créanciers et les débiteurs:
1° Lorsque, d'après la nature de l'objet dû, l'exécution partielle est matériellement et juridiquement impossible;
2° Lorsque, d'après l'intention des parties, soit expresse, soit résultant du but qu'elles se sont proposé ou des autres circonstances du fait, il a été entendu que l'obligation, même divisible par sa nature, ne pourrait être exécutée partiellement.
463. L'obligation, quoique divisible par sa nature, est encore indivisible par l'intention des parties, mais seulement passivement:
1° S'il s'agit de la délivrance d'un corps certain qui se trouve à la disposition d'un seul des débiteurs, auquel cas celui-là peut être poursuivi pour le tout; mais s'il y a, en même temps, plusieurs créanciers, il peut exiger la mise en cause de tous, pour se libérer simultanément entre leurs mains.
2° Si, par le titre constitutif, l'un des débiteurs a été seul chargé de l'exécution, laquelle peut être exigée de lui seul.
464. L'indivisibilité peut enfin être stipulée à la charge des débiteurs, conjointement ou non à la solidarité, comme garantie d'exécution d'une dette divisible par sa nature, ainsi qu'il est réglé au Livre IVe.
465. Celui des créanciers qui a obtenu seul l'exécution de la dette indivisible doit en communiquer le profit aux autres créanciers dans la mesure de leur droit.
Pareillement, celui des débiteurs qui a exécuté seul l'obligation a un recours en garantie contre les autres débiteurs, pour la portion pour laquelle ils doivent y contribuer d'après la cause de l'obligation ou d'après leurs rapports respectifs antérieurs.
466. Aucun des créanciers ne peut diminuer ou éteindre le droit des autres, si ce n'est en recevant le payement tel qu'il a été stipulé.
Si l'un des créanciers a fait, pour sa part, remise de la dette ou quelque autre convention tendant à libérer les débiteurs ou l'un d'eux, ou s'il existe contre lui une cause de compensation légale, les autres créanciers peuvent demander l'exécution intégrale de la dette, mais en tenant compte au débiteur poursuivi de la valeur dont ils seraient tenus envers créancier lui-même s'il n'avait pas perdu son droit.
467. La mise en demeure et les autres actes conservatoires faits par l'un des créanciers profitent aux autres.
Les causes qui suspendent la prescription au profit de l'un d'eux la suspendent en même temps au profit des autres.
468. Aucun des débiteurs ne peut aggraver la condition des autres; de même, la mise en demeure de l'un d'eux ne peut être opposée aux autres.
Toutefois, la reconnaissance de la dette et les autres causes d'interruption de la prescription opposables à l'un des débiteurs le sont également aux autres.
469. Si, par la faute de l'un des débiteurs, l'obligation indivisible ne peut être exécutée, les dommages-intérêts ou la peine stipulée ne sont encourus que par celui qui est en faute, même si la clause pénale a été établie pour assurer l'exécution intégrale d'une obligation divisible.
470. Le débiteur actionné pour l'exécution d'une obligation indivisible, dans les cas de l'article 462, peut demander un délai pour mettre en cause les autres débiteurs, afin qu'ils puissent subir condamnation conjointement avec lui, s'il y a lieu, et pour faire statuer sur son recours subsidiaire contre eux.
CHAPITRE III. DE L'EXTINCTION DES OBLIGATIONS.
471. Les obligations s'éteignent:
1° Par le payement,
2° Par la novation,
3° Par la remise conventionnelle,
4° Par la compensation,
5° Par la confusion,
6° Par l'impossibilité d'exécuter,
7° Par la rescision,
8° Par la révocation et la résolution,
9° Par la prescription libératoire.
SECTION PREMIÈRE. DU PAYEMENT.
472. Le payement ou exécution de l'obligation suivant sa teneur peut être simple ou avec subrogation, d'après les distinctions portées aux § § 1er et 2e ci-après.
Si le créancier ne peut point recevoir le payement, le débiteur peut se libérer au moyen des offres réelles et de la consignation, comme il est dit au § 3e.
Les voies d'exécution forcée contre le débiteur et les cas où il est autorisé à faire à ses créanciers l'abandon ou la cession de ses biens sont réglés au Code de procédure civile.
§ 1er. DU PAYEMENT SIMPLE.
473. Le payement peut être fait valablement, non seulement par le débiteur ou par l'un des co-obligés, si la dette est solidaire ou indivisible, mais encore par les obligés subsidiaires ou intéressés, tels qu'une caution ou le tiers détenteur d'un bien hypothéqué à la dette.
Le payement peut aussi être fait par un tiers non intéressé, soit au nom du débiteur, soit en son propre nom.
474. Le consentement du créancier n'est pas nécessaire à la validité du payement fait par un tiers, intéressé ou non, à moins qu'il ne s'agisse d'une obligation de faire dans laquelle la personne même du débiteur aura été prise en considération spéciale par le créancier.
Il n'est pas nécessaire non plus que le débiteur consente au payement fait par un tiers, même non intéressé; toutefois, dans ce dernier cas, si ni le débiteur ni le créancier ne consentent au payement, il ne pourra avoir lieu.
475. Indépendamment des cas où le tiers qui a payé est subrogé par la loi ou la convention aux droits du créancier, il a contre le débiteur un recours dans la mesure du profit que le payement a procuré à celui-ci.
476. Lorsque l'obligation a pour objet la translation de propriété de choses de quantité, le payement, par tradition ou autrement, n'en peut être fait que par celui qui en est propriétaire et qui a la capacité de les aliéner.
Si la chose d'autrui a été livrée, le payement peut être argué de nullité par les deux parties;
Si la chose a été livrée par un propriétaire incapable d'aliéner, lui seul peut demander la nullité du payement.
Dans l'un et l'autre cas, le débiteur ne peut répéter la chose livrée qu'en offrant un payement valable;
La répétition ne lui est plus possible, si le créancier a, de bonne foi, consommé ou aliéné la chose reçue en payement.
477. Le payement doit être fait au créancier ou à son représentant; toutefois, le payement fait à celui qui n'avait pas qualité pour le recevoir est valable, si le créancier l'a ratifié ou en a profité.
478. Le payement fait à celui qui, sans être le véritable créancier, était en possession de la créance, est valable, si le débiteur l'a fait de bonne foi et non avant l'échéance.
Sont considérés comme possesseurs de la créance, l'héritier ou autre successeur universel apparent, le cessionnaire apparent d'une créance nominative, le possesseur d'un titre payable au porteur.
479. Le payement fait au créancier ou au possesseur incapable de recevoir peut être annulé sur la demande de celui-ci, sauf pour ce dont il a profité.
480. Si le payement a été fait nonobstant une saisie-arrêt régulièrement formée et suivie, conformément au Code de procédure civile, les créanciers saisissants peuvent contraindre le débiteur à payer de nouveau dans la mesure du préjudice qu'ils éprouvent, sauf son recours contre son créancier.
481. Le créancier ne peut être tenu de recevoir en payement une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit supérieure.
Réciproquement, le débiteur ne peut être tenu de donner une autre chose que celle qu'il doit, quoique la valeur de la chose demandée soit inférieure.
482. Si, d'un commun accord, une chose est donnée en payement au lieu d'une somme d'argent ou réciproquement, ou une chose au lieu d'une autre, l'obligation primitive est considérée comme novée et l'opération est régie par les règles de la vente ou de l'échange, suivant les cas.
483. Le débiteur d'un corps certain est libéré en le livrant dans l'état où il se trouve au moment où la livraison doit être faite; sauf les indemnités respectives entre les parties, si la chose a été conservée ou améliorée aux frais du débiteur, ou détériorée par sa faute ou sa négligence.
S'il s'agit d'une chose de nature fongible, déterminée seulement par son espèce, le débiteur n'est pas tenu de donner la meilleure qualité; il ne peut non plus offrir la plus mauvaise.
484. Lorsque la dette est d'une somme d'argent, le débiteur peut se libérer en donnant, à son choix, des monnaies nationales d'or ou d'argent ou des papiers-monnaie ayant cours forcé.
Le débiteur ne doit jamais plus ni moins que la somme numérique promise, quels que soient les changements légaux survenus dans la valeur nominale des monnaies ou dans leur composition intrinsèque.
La convention qui dérogerait à l'une des deux règles précédentes est nulle.
485. On peut convenir que la hausse ou la baisse respective des monnaies ou papiers-monnaie, résultant du cours commercial du change, au moment où le payement est exigible, sera compensée entre les parties par le payement de la valeur moyenne, en telle monnaie qu'il plaira au débiteur.
486. Si la somme due a été stipulée, soit en or, soit en argent, le débiteur peut se libérer en une autre monnaie, en subissant seul la perte ou en obtenant seul le profit du change.
S'il a été convenu que le payement sera fait en monnaie étrangère, le débiteur peut toujours se libérer comme il est dit à la disposition précédente.
487. La monnaie de cuivre ne peut être donnée pour plus de 5 yens, ni les monnaies d'argent de 0,50 sens et au-dessous, pour plus de 50 yens, sauf convention contraire.
488. Les règles particulières au prêt d'argent sont établies au Chapitre relatif à ce contrat.
489. Si le lieu où le payement doit être fait n'a pas été déterminé par les parties, il se fait au domicile réel du débiteur, sauf ce qui sera dit ultérieurement à l'égard de certains contrats et sans préjudice des dispositions relatives à la délivrance d'un corps certain, conformément à l'article 353.
Si la partie au domicile de laquelle le payement doit être fait en a changé sans fraude, il sera tenu compte à l'autre des frais supplémentaires de déplacement des personnes ou de transport des choses dues.
Les autres frais du payement sont à la charge du débiteur.
490. Ce qui concerne l'époque à laquelle le payement doit se faire est réglé ci-dessus, aux articles 423 à 427.
Si le jour fixé pour le payement est un jour férié légal, le payement ne peut être exigé que le lendemain.
§ II. DE L'IMPUTATION DES PAYEMENTS.
491. Lorsque le débiteur a plusieurs dettes de même nature envers le même créancier et qu'il effectue un payement qui ne peut les éteindre toutes, il peut, au moment du payement, déclarer laquelle il entend acquitter et faire insérer dans la quittance l'imputation ainsi faite.
Cependant, le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, faire l'imputation sur une dette non échue, quand le terme a été établi pour l'avantage de celui-ci, ni sur les capitaux avant les frais et intérêts, ni sur plusieurs dettes partiellement.
492. A défaut d'imputation valable par le débiteur, le créancier peut faire lui-même librement l'imputation du payement dans la quittance, sauf ce qui est dit à l'égard du contrat de société.
Si le débiteur a accepté la quittance sans protestations ni réserves, il ne peut critiquer l'imputation que s'il y a eu erreur de sa part, ou fraude ou surprise de la part du créancier.
493. Si l'imputation n'a été faite valablement ni par le débiteur, ni par le créancier, elle a lieu, de plein droit, comme il suit:
1° Sur les dettes échues avant celles non échues;
2° Sur les frais et intérêts avant les capitaux;
3° Si elles sont toutes échues ou toutes non échues, sur celles que le débiteur a le plus d'avantage à acquitter;
4° Si le débiteur n'a pas plus d'avantage à acquitter l'une que l'autre, sur les dettes le plus anciennement échues ou sur celles dont l'échéance est la plus prochaine;
5° Toutes choses égales, l'imputation se fait proportionnellement.
494. Les règles qui précèdent ne s'appliquent pas aux versements faits en compte courant, lesquels sont simplement portés au crédit de celui qui les effectue.
§ III. DES OFFRES DE PAYEMENT ET DE LA CONSIGNATION.
495. Si le créancier refuse de recevoir le payement, le débiteur peut se libérer au moyen des offres et de la consignation, sous les distinctions ci-après.
496. 
1° Si la dette est une somme d'argent, les offres doivent être réelles ou accompagnées de la présentation des espèces;
2° Si la chose due est un corps certain et qu'il soit livrable au lieu où il se trouve, le débiteur fait sommation au créancier de procéder à son enlèvement;
3° Si le corps certain est livrable au domicile du créancier ou dans un lieu et qu'il soit d'un transport coûteux, difficile, ou dangereux, le débiteur déclare, dans les offres, qu'il est prêt à en effectuer immédiatement la livraison, suivant la convention;
4° Il en est de même s'il s'agit de choses de quantité;
5° S'il s'agit d'une obligation de faire exigeant la présence ou le concours du créancier, il suffit que le débiteur déclare qu'il est prêt à exécuter son obligation.
497. Les offres ne sont valables que si elles réunissent, en outre, les conditions prescrites ci-dessus pour la validité du payement et si elles sont faites suivant les formes et conditions portées au Code de procédure civile.
498. Les offres valables et faites en temps utile préviennent les déchéances, résolutions ou pénalités établies par la loi ou stipulées par la convention;
Elles empêchent la mise en demeure et, si elle a eu lieu, elles en font cesser les effets pour l'avenir et même arrêtent le cours des intérêts moratoires.
499. Si le créancier refuse d'accepter les offres, le débiteur peut faire la consignation des sommes à la caisse publique à ce destinée, avec les intérêts compensatoires produits par la dette jusqu'au jour du dépôt.
S'il s'agit d'un corps certain ou d'une chose de quantité, le débiteur demande au tribunal de désigner le lieu où elle sera déposée et d'en nommer un séquestre ou gardien.
Les formes et les autres conditions de la consignation sont réglées au Code de procédure civile.
500. La consignation valablement faite libère le débiteur et met la chose aux risques du créancier, lors même que le débiteur se serait chargé des cas fortuits;
Toutefois, tant que le créancier n'a pas accepté la consignation ou qu'elle n'a pas été, à la demande du débiteur, déclarée valable par jugement ayant force de chose jugée, celui-ci peut la retirer et la libération est réputée non avenue.
Après l'acceptation du créancier ou le jugement de validité devenu irrévocable, le débiteur peut encore retirer la consignation avec le consentement du créancier; mais sans préjudicier à la libération des codébiteurs et des cautions, à l'extinction des droits de gage et d'hypothèque, ni aux saisies-oppositions faites du chef du créancier sur les sommes consignées.
§ IV. DU PAYEMENT AVEC SUBROGATION.
501. Le payement fait par un tiers avec subrogation libère le débiteur à l'égard du créancier et transporte au tiers la créance elle-même avec les garanties qui y sont attachées; sans préjudice de l'action de gestion d'affaires ou de mandat, suivant les cas.
La subrogation est conférée par le créancier, par le débiteur ou par la loi, suivant les distinctions ci-après.
502. La subrogation conférée par le créancier n'est valable que si elle est mentionnée clairement dans la quittance; sans qu'il y ait à distinguer, d'ailleurs, si le tiers est intéressé ou non à payer, ni s'il paye en son propre nom ou au nom du débiteur.
503. Le débiteur peut subroger lui-même aux droits du créancier, sans le consentement de celui-ci, un tiers qui lui prête les sommes ou valeurs nécessaires à l'acquittement de sa dette.
A cet effet, l'acte d'emprunt en mentionne la destination et la quittance porte l'origine des valeurs données en payement.
Les actes authentiques ou ayant date certaine sont seuls admis comme preuve desdites opérations à l'égard des tiers.
S'il s'est écoulé entre l'emprunt et le payement un intervalle de temps plus long qu'il n'est nécessaire, les tribunaux peuvent déclarer la subrogation non avenue.
504. La subrogation a lieu de plein droit:
1° Au profit de celui qui, étant tenu d'une obligation avec d'autres ou pour d'autres, soit personnellement, soit comme tiers détenteur d'un bien grevé de privilége ou d'hypothèque, avait intérêt à acquitter ladite obligation.
2° Au profit du créancier qui paye un autre créancier, soit pour prévenir une action hypothécaire, soit pour arrêter une saisie immobilière ou une demande en résolution de contrat.
3° Au profit de l'héritier bénéficiaire et de l'héritier apparent et de bonne foi qui payent de leurs biens tout ou partie des dettes de la succession.
505. La subrogation établie par les trois articles précédents permet au subrogé d'exercer tous les droits et actions, tant réels que personnels, qui appartenaient à l'ancien créancier comme effets ou comme garanties de sa créance, sous les exceptions ci-après:
1° Si les parties ont limité les droits et actions transmis au subrogé, cette limitation est observée;
2° Si c'est un tiers détenteur qui a payé la dette en cette qualité, il n'est pas subrogé contre la caution, lorsqu'il a pu, au moyen de la purge des hypothèques, dégrever l'immeuble sans faire une avance de fonds;
3° Dans le même cas de payement par un tiers détenteur, s'il y a d'autres immeubles hypothéqués à la même dette et se trouvant dans les mains d'autres tiers détenteurs, la subrogation de celui qui a payé ne s'exerce contre ces derniers que proportionnellement à la valeur respective des immeubles;
4° Si la dette a été payée par l'un des codébiteurs qui étaient garants les uns des autres, celui qui l'a payée n'est subrogé contre chacun des autres que dans la mesure où ceux-ci doivent y contribuer définitivement.
506. Le subrogé ne peut exercer lesdites actions que jusqu'à concurrence des sommes par lui déboursées.
507. La subrogation ne doit pas nuire au créancier primitif: il peut refuser pour une de ses créances le payement avec subrogation qui diminuerait ses sûretés pour d'autres créances.
508. Si le payement avec subrogation n'a eu lieu que partiellement, le subrogé concourt avec le créancier primitif dans la proportion de ce qu'il a payé;
Toutefois, le créancier exercerait seul la résolution du contrat faute de payement intégral.
509. Le créancier désintéressé entièrement par un payement avec subrogation doit remettre au subrogé les titres et gages de la créance;
S'il n'a reçu qu'un payement partiel, il doit communiquer les titres au subrogé autant que de besoin et lui permettre de veiller à la conservation du gage.
510. Les dispositions des trois § § précédents sur les conditions requises pour la validité du payement, sur l'imputation des payements et sur les offres et la consignation sont applicables au payement avec subrogation.
SECTION II. DE LA NOVATION.
511. La novation, ou changement d'une première obligation en une nouvelle obligation, a lieu de quatre manières:
1° Lorsque les parties conviennent d'un nouvel objet de l'obligation substitué au premier;
2° Lorsque, l'objet dû restant le même, les parties conviennent qu'il sera dû à un autre titre ou par une autre cause;
3° Lorsqu'un nouveau débiteur prend la place de l'ancien;
4° Lorsqu'un nouveau créancier est substitué au premier.
512. Il n'y a pas novation si les parties ont seulement modifié l'obligation par l'addition ou le retranchement, soit d'un terme ou d'une condition, soit d'une sûreté réelle ou personnelle, par le changement du lieu de l'exécution ou par celui de la quantité ou de la qualité de la chose due.
Il n'y a pas davantage novation dans le règlement d'une dette en billets ou effets de commerce, si la cause de la dette y est indiquée, ni dans l'acte récognitif d'une dette antérieure, même en forme exécutoire.
513. Le créancier capable de recevoir le payement peut consentir une novation, s'il a également la capacité de renoncer à sa première créance et aux sûretés qui la garantissaient; sans préjudice de ce qui est dit à l'article 466, au sujet du créancier d'une dette indivisible et au Livre IVe, au sujet du créancier solidaire.
La même règle s'applique aux administrateurs et mandataires conventionnels, légaux ou judiciaires.
514. L'intention de nover ne se présume pas chez le créancier: elle doit résulter clairement de l'acte ou des circonstances;
Toutefois, lorsqu'il est douteux s'il y a novation ou cumul de deux obligations entre les mêmes parties, le doute s'interprète en faveur du débiteur et dans le sens de la novation, conformément à l'article 380.
515. Lorsque la première obligation était sous condition, soit suspensive, soit résolutoire, la novation est présumée affectée de la même condition;
Réciproquement, si la nouvelle obligation est conditionnelle, la novation n'a lieu que si la condition suspensive s'accomplit ou si la condition résolutoire fait défaut;
Sauf, dans l'un et l'autre cas, la preuve que les parties ont entendu faire une novation pure et simple.
516. La novation est nulle et la nouvelle obligation ne se forme pas, si la première n'existait pas légalement à l'origine ou avait été annulée pour une des causes que la loi autorise;
De même, la première obligation subsiste, si la nouvelle ne réunit pas les conditions légales d'existence et de validité;
A moins, dans l'un et l'autre cas, qu'il ne soit prouvé que les parties ont entendu substituer une obligation civile à une obligation naturelle ou réciproquement.
517. Le débiteur qui a valablement contracté une nouvelle dette pour en nover une première, sans protestations ni réserves, ne peut plus opposer au créancier les exceptions ou fins de non recevoir qui existaient contre la première obligation et dont il avait connaissance;
Il en est de même, s'il s'est engagé envers un nouveau créancier sur délégation du premier, conformément à l'article suivant.
518. La novation par changement de débiteur s'opère, soit par délégation ou mandat du premier débiteur au nouveau, soit par l'intervention spontanée de celui-ci, sans le consentement du premier débiteur.
La délégation est parfaite ou imparfaite; l'intervention spontanée d'un tiers constitue une expromission ou une simple adpromission, comme il est expliqué ci-après.
519. La délégation n'est parfaite et n'opère novation que si le créancier a manifesté clairement l'intention de décharger le premier débiteur; à défaut de cette intention, la délégation est imparfaite et les deux débiteurs peuvent être poursuivis solidairement;
Au cas d'intervention spontanée d'un tiers, si le créancier a déchargé le premier débiteur, il y a novation par expromission; dans le cas contraire, il y a simple adpromission et le créancier acquiert un second débiteur pour le tout, mais sans solidarité.
520. Dans les cas de délégation parfaite et d'expromission, si le nouveau débiteur ne peut acquitter la dette, le créancier n'a de recours en garantie contre l'ancien que si le nouveau débiteur était déjà insolvable au moment de la délégation ou de l'expromission et à l'insu du créancier; sans préjudice des conventions particulières qui peuvent étendre ou restreindre cette garantie.
521. La novation par changement de créancier n'a lieu que du consentement tant du débiteur que de l'ancien et du nouveau créancier.
522. Lorsqu'un débiteur est délégué par son créancier, soit en acquit d'une dette du délégant, soit gratuitement, avec réserve de tout ou partie des sûretés qui garantissaient la créance primitive, comme il est prévu à l'article 525, le délégataire n'est saisi de ladite créance à l'égard des tiers que sous les conditions prescrites à l'article 367 pour la cession de créance.
523. La novation faite entre le créancier et l'un des débiteurs solidaires ou l'un des codébiteurs d'une dette indivisible libère les autres débiteurs et les cautions;
Mais, si le créancier a mis comme condition à la novation l'accession des codébiteurs et des cautions et que les uns ou les autres s'y refusent, la novation est non avenue.
524. La novation faite avec une caution est présumée porter sur le cautionnement et non sur la dette principale, si l'intention contraire des parties n'est prouvée: elle ne libère ni les débiteurs principaux ni les autres cautions.
525. Les sûretés réelles qui garantissaient la première créance ne passent pas à la nouvelle, à moins que le créancier ne les ait réservées.
Cette réserve peut s'appliquer tant aux biens hypothéqués des codébiteurs et des cautions qu'aux biens qui se trouvent dans les mains de tiers détenteurs.
Le consentement à cette réserve n'est nécessaire que de la part de celui avec lequel la novation est faite.
Dans tous les cas, les biens ne restent hypothéqués que dans la mesure de la première obligation.
SECTION III. DE LA REMISE CONVENTIONNELLE.
526. La remise ou décharge conventionnelle de la dette, pour tout ou partie, peut avoir lieu à titre onéreux ou à titre gratuit.
Dans le premier cas, elle constitue, suivant les circonstances, une dation en payement, une novation, une transaction, ou une résolution; dans le second cas, elle constitue une donation, sans toutefois être soumise à aucune solennité particulière.
La remise partielle dite concordat, accordée au débiteur failli par délibération des créanciers, est réglée par le Code de commerce.
527. La remise de la dette peut être expresse ou tacite; mais, dans le doute, elle ne se présume pas, si ce n'est dans les cas spécialement prévus par la loi.
528. La remise de la dette faite au débiteur principal libère les cautions;
Celle faite à l'un des débiteurs solidaires libère les autres, à moins que le créancier n'ait réservé ses droits contre ceux-ci; dans ce cas même, la réserve ne vaut que sous la déduction de la part de celui auquel la remise a été faite.
Il en est de même de la remise faite à l'un des débiteurs d'une dette indivisible.
529. La remise de la dette faite à une caution libère les débiteurs principaux et les autres cautions.
530. Le débiteur et la caution auxquels la remise de la dette a été faite n'ont de recours contre les codébiteurs ou les cofidéjusseurs que pour la valeur de ce qu'ils ont effectivement fourni pour obtenir du créancier la décharge commune.
531. La simple remise de la solidarité ou de l'indivisibilité faite à l'un des débiteurs l'affranchit de la part des autres et affranchit les autres de la sienne.
532. Le créancier est présumé avoir entendu remettre la solidarité ou l'indivisibilité conventionnelle à l'un des débiteurs dans les cas suivants:
1° S'il a reçu de l'un d'eux une somme ou valeur déclarée être la part de celui-ci dans la dette, sans réserver ses droits de garantie;
2° S'il a formé contre l'un d'eux une demande en justice qualifiée "pour sa part," sans réserve de sa garantie, et que celui-ci ait acquiescé à la demande ou ait été condamné à payer;
3° S'il a reçu de l'un des débiteurs le payement de sa part dans les intérêts ou arrérages de la dette, pendant dix ans consécutifs et sans réserves.
533. La remise du cautionnement seul faite à une caution ne libère pas le débiteur principal et ne libère les autres cautions que de la part de celle à laquelle le cautionnement a été remis.
534. La renonciation du créancier au gage ou à l'hypothèque ne diminue pas la créance elle-même; mais elle autorise les cautions à demander leur décharge par le créancier, si elles justifient qu'en s'engageant elles ont compté sur la subrogation à ces garanties.
535. Ce qu'un débiteur ou une caution a donné au créancier pour obtenir la simple remise de la solidarité, de l'indivisibilité ou du cautionnement ne diminue pas la dette et ne peut être l'objet d'aucun recours contre les autres coobligés.
536. La remise de l'obligation de livrer ou de restituer un corps certain n'entraîne pas rétrocession ou cession au profit du débiteur et laisse subsister le droit de revendication du propriétaire.
537. La remise faite par l'un des créanciers solidaires ne vaut que pour sa part dans la créance;
Si l'obligation est indivisible, la remise faite par l'un des créanciers est réglée par l'article 466.
538. Le créancier est présumé avoir fait remise de la dette lorsqu'il a livré volontairement au débiteur l'acte original portant son engagement, même sans y ajouter aucune mention libératoire; sauf le droit pour le créancier de prouver qu'il a eu une intention différente.
La tradition volontaire de la copie ou expédition d'un acte notarié ou d'un jugement, même revêtue de la formule exécutoire, ne suffit pas à faire présumer la remise de la dette; sauf aux tribunaux à l'induire des circonstances du fait.
Au surplus, la détention desdits actes par le débiteur en fait présumer, jusqu'à preuve contraire, la tradition volontaire de la part du créancier.
539. La destruction, lacération ou cancellation par le créancier, soit du titre entier, soit de la signature du débiteur ou de toute autre partie essentielle du titre, fait présumer la remise de la dette, au même degré que la tradition volontaire, sous les distinctions portées à l'article précédent.
Lesdites altérations sont présumées, jusqu'à preuve contraire, faites par le créancier ou de son consentement, si l'acte était alors en sa possession.
540. La remise de la dette, expresse ou tacite, prouvée directement ou présumée légalement, est présumée, jusqu'à preuve contraire, faite à titre onéreux.
Toutefois, si la remise a eu lieu entre personnes respectivement incapables de donner ou de recevoir, la preuve directe que la remise a été faite à titre onéreux devra être fournie.
SECTION IV. DE LA COMPENSATION.
541. La compensation a lieu lorsque deux personnes sont créancière et débitrice l'une de l'autre: les deux dettes s'éteignent alors jusqu'à concurrence de la plus faible.
La compensation est légale, facultative ou judiciaire, sous les conditions et distinctions ci-après.
542. La compensation légale s'opère de plein droit, même à l'insu des parties, lorsque les deux dettes sont principales, fongibles entre elles, liquides, exigibles, et lorsque d'ailleurs la compensation n'est pas prohibée par une disposition de la loi ou par la volonté expresse ou tacite des parties.
543. Le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution; mais la caution poursuivie peut opposer au créancier la compensation, tant de ce qu'il doit au débiteur principal que de ce qu'il lui doit à elle-même.
Le débiteur solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur que pour la part de ce dernier dans la dette, mais, de son chef, il peut l'opposer pour le tout, s'il y a lieu; s'il y a plusieurs créanciers solidaires, le débiteur peut toujours opposer à chacun la compensation pour le tout, du chef des autres créanciers.
Si la dette est indivisible entre les débiteurs, chacun ne peut opposer qu'une compensation totale, s'il y a lieu, soit de son chef, soit du chef d'un de ses codébiteurs; si elle est indivisible entre les créanciers, le cas est réglé par l'article 466.
544. Les prestations périodiques, dues par l'une des parties à l'autre, de denrées cotées au marché public local, se compensent avec des sommes d'argent dues par l'autre partie.
545. Les dettes sont liquides, lorsque leur existence, leur nature et leur quotité sont certaines, lors-même qu'elles seraient contestées de bonne foi.
546. Le terme de grâce accordé par le tribunal ne fait pas obstacle à la compensation; il en est de même du terme accordé gratuitement par le créancier, sur la demande du débiteur.
Si l'une des deux dettes est sous condition résolutoire, la compensation a lieu, sauf la résolution éventuelle.
547. Si les deux dettes ne sont pas payables au même lieu ou dans la même monnaie, la compensation n'en a pas moins lieu, sauf à tenir compte, dans le premier cas, des frais de transport des espèces ou du prix du change de places, et, dans le second cas, du change des monnaies.
548. La compensation légale n'a pas lieu:
1° Lorsque l'une des dettes a pour cause une appropriation injuste du bien d'autrui ou un dépôt de choses fongibles;
2° Lorsque l'une des créances a pour objet une valeur insaisissable sur le créancier;
3° Lorsque l'une ou l'autre des parties a renoncé d'avance au bénéfice de la compensation ou lorsque le but qu'elle se proposait en devenant créancière ne serait pas atteint avec la compensation.
549. Celui entre les mains duquel est pratiquée une saisie-arrêt ne peut opposer au saisissant la compensation des créances qu'il acquerrait postérieurement contre le débiteur saisi; il ne peut même opposer les causes de compensation antérieures que s'il les a déclarées dans les formes et délais fixés au Code de Procédure civile; sauf, dans l'un et l'autre cas, le droit de se faire colloquer, pour ce qui lui est dû, concurremment avec le saisissant, sur les sommes saisies sur lui-même.
550. Le débiteur qui, sans réserver ses droits à la compensation déjà acquise, accepte une cession faite contre lui, ne peut plus se prévaloir de la compensation légale qu'il eût pu opposer au cédant; sauf à se faire rembourser par le cédant ce qu'il devra payer au cessionnaire.
Si la cession lui a été seulement signifiée, il ne perd le droit à la compensation que pour les créances nées depuis la signification.
551. Celui qui a payé, même par erreur, une dette déjà éteinte par compensation ne peut plus exercer que la répétition de l'indû.
552. Dans les cas prévus aux trois articles précédents, celui qui a reconnu au profit du saisissant ou du cessionnaire, ou qui a payé à son créancier lui-même la dette déjà éteinte par compensation, ne peut plus se prévaloir des cautionnements, des priviléges ou hypothèques qui garantissaient son ancienne créance, à moins qu'il ne justifie d'une juste cause d'avoir ignoré la compensation acquise, auquel cas, la créance primitive lui est conservée avec ses sûretés et ses autres caractères.
553. La compensation facultative peut être opposée par celle des parties en faveur de laquelle la loi refuse la compensation légale; dans tous les cas, la compensation peut être conventionnelle si tous les intéressés y consentent.
554. La compensation judiciaire s'obtient au moyen d'une demande reconventionnelle du défendeur tendant à faire reconnaître ou liquider une créance à son profit contre le demandeur.
Les tribunaux peuvent alors, suivant les cas, ou statuer d'abord sur l'action principale ou y surseoir et statuer conjointement sur les deux actions, en opérant la compensation et en condamnant seulement celui dont la dette est la plus forte.
555. Si l'une des parties a envers l'autre plusieurs dettes sujettes à compensation légale ou judiciaire, l'ordre dans lequel ces dettes se compensent est celui de l'imputation légale des payements, tel qu'il est réglé par l'article 493.
Si la compensation est facultative ou conventionnelle, l'imputation suit les règles portées aux articles 491 et 492 ou le commun accord des parties.
SECTION V. DE LA CONFUSION.
556. L'obligation s'éteint par confusion lorsque les qualités de créancier et de débiteur de la même obligation se trouvent réunies dans la même personne, par succession ou autrement.
Si ladite confusion se trouve résolue, rescindée ou révoquée pour une cause légale antérieure, l'obligation est considérée comme n'ayant pas été éteinte.
557. Si le créancier succède à l'un des débiteurs solidaires ou réciproquement, la dette solidaire n'est éteinte que pour la part de ce débiteur.
La confusion n'alieu également que pour une part si la confusion s'opère entre l'un des créanciers solidaires et le débiteur.
558. Si l'obligation est indivisible, la confusion entre l'un des créanciers et l'un des débiteurs laisse subsister l'obligation en entier, au profit ou à la charge des autres; mais celui en la personne duquel la confusion a eu lieu ne peut poursuivre ou être poursuivi pour le tout qu'en fournissant ou en recevant l'indemnité d'une part, conformément à l'article 466.
559. S'il y a réunion en une même personne des qualités de deux créanciers ou de deux débiteurs solidaires, il n'y a aucune extinction de droit ou d'obligation et celui en la personne duquel la réunion s'est opérée peut agir ou être poursuivi pour le tout, soit en son propre nom, soit au nom et du chef de celui auquel il a succédé, suivant l'intérêt du créancier.
Il en est de même d'une obligation indivisible activement ou passivement.
560. Si la caution succède au créancier ou réciproquement, le cautionnement est éteint avec tous ses accessoires.
Si le débiteur succède à la caution ou réciproquement, le créancier conserve son action tant contre le débiteur principal que contre les cofidéjusseurs et contre les garants de la caution; de même, les gages et hypothèques attachés au cautionnement subsistent.
SECTION VI. DE L'IMPOSSIBILITÉ D'EXÉCUTER.
561. L'obligation est éteinte lorsqu'elle a pour objet la livraison d'un corps certain et que, sans la faute du débiteur et avant qu'il soit en demeure, l'objet vient à périr, à être perdu ou retiré du commerce; il en est de même si l'obligation a pour objet une chose à choisir dans un ensemble de choses déterminées et que la livraison de toutes soit devenue impossible.
L'obligation de faire est éteinte également lorsque l'exécution est devenue impossible dans les mêmes conditions.
562. Le débiteur n'est pas libéré par les causes qui précèdent, s'il a pris à ses risques et périls les cas fortuits et la force majeure.
563. Si le débiteur est constitué en demeure, soit par le fait du créancier, soit par la nature de l'obligation, conformément aux articles 356 et 404, la perte de la chose ou sa mise hors du commerce ne l'affranchit pas des dommages-intérêts, à moins que les mêmes faits n'eussent dû se produire si la chose eût été livrée au créancier.
564. Celui qui est tenu par un délit de rendre la chose d'autrui est considéré comme étant de plein droit en demeure.
565. Dans le cas de perte seulement partielle ou si le vendeur a quelque action en réparation contre un tiers à raison de la perte, le créancier peut réclamer ce qui reste de la chose ou exercer ladite action.
SECTION VII. DE LA RESCISION.
566. Les obligations contractées par les incapables ou par les personnes dont le consentement a été donné par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol, peuvent être rescindées ou annulées en justice pendant cinq ans, soit sur leur demande ou sur celle de leur représentant, soit sur l'exception de nullité opposée à l'action pour l'exécution.
Le même délai est accordé pour l'exercice de l'action en rescision pour lésion, sauf les cas particuliers où la loi limite l'action en rescision à un délai plus court.
567. Le délai de cette prescription est suspendu pendant l'incapacité du contractant et jusqu'à ce que la violence aît cessé, que l'erreur ait été reconnue ou le dol découvert.
Dans le cas de lésion d'un majeur, la prescription commence à courir du jour du contrat.
Les causes ordinaires de suspension et d'interruption de la prescription libératoire sont, en outre, applicables à la présente prescription.
568. Si la personne à laquelle appartenait l'action en nullité est décédée avant l'expiration du susdit délai, l'action passe à ses héritiers;
Elle se prescrit à l'égard de ceux-ci par cinq ans à partir de l'ouverture de leur droit, si le délai n'avait pas encore commencé à courir contre le défunt et, dans le cas contraire, par le reste du temps non encore écoulé.
569. Les conventions et actes faits par le tuteur relativement aux biens du mineur ne peuvent être rescindés si les formes et conditions prescrites par la loi dans l'intérêt du mineur ont été observées;
Il en est de même des actes faits régulièrement par le tuteur de l'interdit et de ceux faits par le mineur émancipé ou par le prodigue, dûment assistés du curateur ou du conseil judiciaire;
Sans préjudice des actions en rescision ou en nullité pour les causes qui ouvrent ces actions aux personnes capables.
570. A l'égard des conventions ou actes pour lesquels aucune forme ou condition particulière n'est prescrite, s'ils ont été consentis par le mineur seul, l'action en rescision n'est recevable que s'il y a eu pour lui une lésion ou un préjudice appréciable en argent ou autrement.
Pareillement, les actes de même nature passés par le mineur émancipé sans l'assistance de son curateur, lorsqu'elle était seule requise par la loi, ne sont attaquables que pour lésion.
La lésion s'apprécie au moment où l'acte a été passé: il n'est pas tenu compte de celle qui résulte postérieurement d'un événement casuel et imprévu.
571. La simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à sa restitution pour incapacité ou pour lésion, s'il n'a pas d'ailleurs usé de manœuvres frauduleuses pour faire croire à sa majorité.
572. Les mineurs émancipés dûment autorisés à faire le commerce ou à exercer une industrie sont réputés majeurs pour les actes relatifs à leur commerce ou à leur industrie; ils ne peuvent toutefois aliéner leurs immeubles que conformément au droit commun de la minorité.
572 bis. Les mineurs, émancipés ou non, peuvent être déclarés civilement responsables, en tout ou en partie, des dommages injustes qu'ils ont causés volontairement ou par imprudence, lors même qu'ils seraient exempts de la responsabilité pénale.
Ils sont également responsables civilement des dommages causés par leurs serviteurs et préposés ou par les choses qui leur appartiennent, sauf leur recours contre le tuteur, s'il y a lieu.
573. Les actes et engagements de la femme mariée ne peuvent être rescindés, sur sa demande ou sur celle du mari, que dans les cas déterminés par la loi au sujet des Droits et Devoirs respectifs des Epoux.
574. Le majeur qui a obtenu la rescision d'un acte ou engagement pour vice de consentement ou pour lésion est tenu de restituer tout ce qu'il a reçu par suite dudit acte;
S'il s'agit d'un incapable, il n'est tenu de restituer que ce dont il se trouve enrichi par suite de l'acte annulé.
Lesdites actions en restitution ne s'éteignent que par la prescription ordinaire.
575. Les aliénations d'immeubles consenties par les incapables, viciées par erreur ou violence ou sujettes à rescision pour lésion peuvent être annulées contre les tiers acquéreurs, sous les distinctions et conditions portées aux articles 372 et 373.
576. Le défendeur à l'action en rescision peut en arrêter l'effet, jusqu'à ce que le jugement du fait soit devenu inattaquable, en offrant au demandeur l'indemnité entière de la lésion justifiée et les frais de justice.
577. Indépendamment de la prescription de cinq ans établie par les articles 566 à 568, l'action en nullité ou en rescision ne peut plus être exercée lorsque la partie intéressée a confirmé la convention annulable, soit expressément, soit tacitement, après le moment où l'action est devenue prescriptible conformément à l'article 567.
578. La confirmation expresse résulte d'un acte formel relatant la substance de la convention annulable, indiquant la cause de la rescision dont elle est entachée et déclarant la volonté de renoncer à la demande en nullité.
Si l'acte est entaché de plusieurs vices, la confirmation expresse n'en efface que celui ou ceux qui ont été spécialement relatés.
Les actes rescindables pour lésion au profit de majeurs ne sont susceptibles que de confirmation expresse et à condition que ladite confirmation n'aît pas lieu dans l'acte même sujet à rescision.
579. La confirmation tacite résulte de l'exécution volontaire, soit totale, soit partielle, de la convention, ou même de l'exécution forcée, sans protestations ni réserves; elle résulte aussi de la novation et de la dation volontaire d'une garantie réelle ou personnelle; elle résulte encore de la demande en justice, par le créancier, à fin d'exécution et de l'aliénation volontaire de tout ou partie des choses acquises par une convention annulable.
Les autres cas de confirmation tacite sont laissés à l'appréciation des tribunaux.
580. La confirmation ne peut nuire aux ayant-cause particuliers de celui auquel appartenait l'action en nullité, lorsque leurs droits sont subordonnés à l'exercice de ladite action.
581. Les actes radicalement nuls ne peuvent être confirmés; sauf ce qui est dit, à l'Appendice ci-après, au sujet de la confirmation, par les héritiers, d'une donation ou d'un testament nuls.
582. L'action ayant pour objet le edressement d'une erreur de calcul, de nom, de date ou de lieu est imprescriptible.
SECTION VIII. DE LA RÉVOCATION ET DE LA RÉSOLUTION.
583. La révocation des engagements contractés en fraude des créanciers et la prescription de l'action révocatoire sont réglées aux articles 361 à 364.
Les causes spéciales de révocation établies en faveur du donateur et de ses héritiers sont réglées à la matière des Donations.
584. Les obligations s'éteignent par la résolution de la convention, stipulée expressément ou obtenue en justice, conformément aux articles 429, 441 et 442.
Lorsque la résolution doit être demandée en justice, l'action résolutoire ne se prescrit que par le laps de temps de la prescription ordinaire, sauf le cas où la loi fixe un délai plus court.
SECTION IX. DE LA PRESCRIPTION.
585. La prescription libératoire est réglée, conjointement avec la prescription acquisitive, au Livre IIIe, Chapitre dernier.
APPENDICE. DES OBLIGATIONS NATURELLES.
586. L'exécution des obligations naturelles ne peut être exigée ni par voie d'action, ni par l'exception de compensation: elle doit être volontaire de la part du débiteur, à la bonne foi et à la raison duquel elle est laissée par la loi.
L'obligation naturelle peut aussi être acquittée par un tiers, soit au nom du débiteur, soit en son propre nom.
587. Ce qui a été volontairement payé ou acquitté, soit par le débiteur lui-même, soit par un tiers, ne peut être répété comme indûment payé.
Il n'est pas nécessaire que la cause du payement ait été exprimée, pourvû que la preuve de l'intention d'acquitter une dette naturelle résulte des circonstances du fait.
588. A défaut d'exécution volontaire, l'obligation naturelle peut être l'objet d'une reconnaissance formelle du débiteur, d'un cautionnement par un tiers, d'une novation ou de la dation d'un gage ou d'une hypothèque, soit de la part du débiteur, soit de la part d'un tiers.
Dans ces divers cas, l'obligation naturelle reconnue, novée ou garantie produit les effets civils ordinaires.
589. Lorsque l'exécution, la novation ou la garantie de l'obligation naturelle ont été procurées par un tiers, sans mandat du débiteur, celui-ci n'est tenu, pour le remboursement, que d'une obligation naturelle.
590. L'exécution volontaire, la reconnaissance ou la garantie des obligations naturelles ne sont valables que si elles émanent de personnes capables d'aliéner ou de s'obliger.
591. L'obligation naturelle peut résulter d'une convention nulle à l'origine, pour erreur excluant le consentement civil, pour défaut ou insuffisance de détermination de l'objet ou pour défaut des formes solennelles requises;
Toutefois, s'il s'agit d'une donation nulle pour défaut de formes, l'obligation naturelle ne peut être exêcutée ou reconnue par le donateur lui-même, mais seulement par ses héritiers ou ayant-cause.
La présente disposition est applicable aux héritiers de celui qui a laissé un testament nul en la forme.
592. La convention nulle pour défaut de cause ou pour cause illicite ne peut produire d'obligation naturelle; il en est de même de la convention ayant pour objet des choses sur lesquelles il est défendu de contracter, par raison d'ordre public.
593. La nullité prononcée par les articles 343 et 344, à l'égard de la promesse du fait d'autrui et de la stipulation dans l'intérêt d'autrui, ne met pas obstacle à la formation d'une obligation naturelle de la part du promettant.
594. En dehors des cas où le débiteur peut être civilement tenu à raison d'un enrichissement indû, d'un dommage injuste ou des dispositions de la loi, il peut valablement se reconnaître tenu, à ce titre, d'une obligation naturelle.
595. Une obligation naturelle peut subsister après que l'annulation, la révocation ou la résolution d'une obligation civile a été prononcée en justice.
Il en est de même après qu'une obligation civile a été éteinte par un autre mode légal d'extinction.
596. Le débiteur qui a usé du bénéfice de la prescription libératoire ou acquisitive, en faveur duquel est intervenu un jugement passé en force de chose jugée, ou qui pourrait invoquer toute autre présomption ou preuve directe de son droit ou de sa libération, peut encore se reconnaître obligé naturellement.
597. La cession civile d'une créance naturelle n'est admise qu'en faveur du créancier d'un failli et pour les sommes seulement dont il a été fait remise par un concordat.
598. La dette naturelle peut être solidaire ou indivisible, si la dette civile qu'elle supplée ou à laquelle elle survit avait ce caractère.
599. Lorsque les tribunaux ordinaires sont appelés à statuer sur l'exécution volontaire, la reconnaissance ou les autres effets légaux d'une obligation naturelle, ils jugent souverainement l'intention du débiteur; mais leur décision est sujette à cassation, s'ils ont fait une fausse application des dispositions légales qui précèdent.
600. Les parties peuvent, par un compromis, soumettre à des arbitres le jugement de l'existence ou de l'étendue d'une obligation naturelle, avant même qu'il y en ait eu exécution ou reconnaissance volontaire; dans ce cas, la sentence arbitrale déclarant l'obligation naturelle est civilement obligatoire; mais elle est nulle, si les arbitres ont admis l'existence d'une obligation naturelle dans un cas où la loi la dénie, ou l'ont déclarée impossible quand la loi permet de la reconnaître; à moins, dans l'un et l'autre cas, que les parties ne leur aient donné les pleins pouvoirs d'amiables compositeurs.